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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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néfaste de certains jours ou de certains présages, mais il s’était tissé lui-même tout un réseau de superstitions personnelles. Les deux choses qu’il redoutait le plus étaient le nombre 17 et le chant des coqs à minuit. Il regardait comme un très mauvais présage le fait qu’ayant reconquis les Aigles perdues du 18 e et du 19 e régiment, il avait été rappelé de Germanie avant d’avoir pu reconquérir celle du 17 e . Il avait la terreur de la magie noire telle que la pratiquent les sorcières de Thessalie et dormait toujours avec un talisman sous son oreiller : une statuette en jaspe vert de la Déesse Hécate, qui commande aux sorcières et aux fantômes, tenant d’une main une torche et de l’autre les clefs du monde souterrain.
    Comme Plancine avait la réputation d’être sorcière, il la soupçonna d’exercer son art contre lui et fit à Hécate le sacrifice propitiatoire de neuf chiens noirs nouveau-nés, ce qui est la conduite à tenir en pareil cas. Le lendemain, un esclave terrifié vint raconter qu’en lavant le vestibule il avait remarqué une dalle descellée ; en la soulevant il avait découvert dessous ce qui lui avait paru être le cadavre nu et décomposé d’un enfant, le ventre peint en rouge et des cornes attachées au front. On fouilla aussitôt toutes les pièces et on fit une douzaine de découvertes du même genre, soit sous les dalles, soit dans des trous creusés sous des tentures. Il y avait par exemple le cadavre d’un chat pourvu d’ailes rudimentaires et la tête d’un nègre de la bouche de laquelle sortait la main d’un enfant. À chacun de ces effroyables restes était jointe une tablette de plomb qui portait le nom de Germanicus. On purifia rituellement la maison et il reprit un peu courage ; mais son estomac resta dérangé.
    Peu de temps après la maison devint hantée. On découvrait sous les coussins des plumes de coq tachées de sang. Des signes funestes étaient griffonnés au charbon sur les murs – parfois très bas, comme par un nain, parfois très haut, comme par un géant. Il y avait un pendu, le nom de Rome renversé, une belette. Bien qu’Agrippine fût la seule à connaître la superstition de son mari au sujet du nombre 17, celui-ci revenait toujours. Plus tard on trouva le nom de Germanicus, la tête en bas, et chaque jour diminué d’une lettre. Or Plancine avait pu cacher des charmes dans la maison pendant le séjour de Germanicus en Égypte ; mais comment expliquer ces nouveaux phénomènes ? Impossible de soupçonner les serviteurs, car les signes apparaissaient dans des pièces auxquelles ils n’avaient pas accès ; une chambre fermée à clef, dont la fenêtre était trop étroite pour donner passage à un homme, en était couverte jusqu’au plafond.
    La seule consolation de Germanicus était le courage dont faisaient preuve Agrippine et le petit Caligula. Agrippine s’efforçait de traiter de haut tous ces présages ; quant à Caligula, il disait qu’il était bien tranquille, car les sorcières ne pouvaient rien contre l’arrière-petit-fils du Dieu Auguste ; s’il en rencontrait une il la transpercerait avec son épée. Mais Germanicus dut s’aliter de nouveau. Un jour il ne resta plus sur le mur que trois lettres de son nom ; au milieu de la nuit suivante il fut éveillé en sursaut par le chant du coq. Malgré sa faiblesse il sauta en bas du lit, saisit son épée et se précipita dans la chambre voisine, où couchaient Caligula et la petite Lesbie. Là il vit un coq – un grand coq noir avec un anneau d’or au cou – qui chantait à réveiller les morts. Il essaya de lui trancher la tête, mais le coq s’envola par la fenêtre. Germanicus tomba évanoui sur le sol. Agrippine parvint à le porter jusqu’à son lit, mais en reprenant connaissance il lui dit qu’il était perdu. « Pas tant que tu auras ton Hécate ! » dit-elle. Il tâta le talisman sous son oreiller et reprit courage une fois de plus.
    Le matin il écrivit à Pison, selon la vieille coutume romaine, pour lui déclarer la guerre ; il lui ordonnait de quitter la province et le mettait au défi de faire tout le mal qu’il pourrait. Pison, d’ailleurs, s’était déjà embarqué pour Chio, où il attendait l’annonce de la mort de Germanicus pour regagner aussitôt sa province. L’état de mon pauvre frère empirait d’heure en heure. Le lendemain, alors qu’Agrippine était sortie de la chambre et qu’il gisait presque sans

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