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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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furent des conciliabules à voix basse et un officier me dit : On est en état d’alerte. Et ce fut le départ presque précipité.
    Heureusement que la nuit fut courte car elle fut affreuse. Je crois n’avoir jamais eu aussi froid de ma vie. Je me souviendrai toujours de ce ciel de Noël, le lendemain. Tout était si beau que je me sentais heureuse et presque forte.
    Juste avant le déjeuner, quelqu’un me frappa sur l’épaule. Je me retournai et me trouvai en face de Minko.
    “Voilà, me dit-il, mon bataillon est à un kilomètre. Une offensive allemande est à craindre et je n’ai pas d’ambulance.”
    J’étais très hésitante comme il se doit et je le fus pendant tout le déjeuner qu’il prit avec nous. Toutes les filles me poussaient à accepter. Bref, à la fin du repas j’allai trouver notre officier et lui demandai de dire au commandant que je partais.
    Notre barda fut vite entassé dans l’auto de Minko et nous roulions depuis des kilomètres, que je n’avais pas encore réalisé ce que j’avais fait.
    Bon voyage malgré le froid. La lune était magnifique et j’aimais la regarder filer le long des arbres. Je fis ainsi la même route et vis le même paysage que de Gaulle qui, rentrant du front, nous dépassa. À cause de lui, on fut arrêté un nombre incalculable de fois. Nous dépassâmes une auto en feu et je dis : Pourvu que ce ne soit pas l’auto du Général. Ce n’était pas la sienne mais celle de de Lattre de Tassigny qui, n’ayant pas entendu les sommations des F.F.I., reçut une balle qui mit le feu à l’essence.
    Nous arrivâmes à Paris vers 8 heures.
    Aujourd’hui les nouvelles du front sont bonnes, le moral est bien meilleur. Il semble que les Allemands soient arrêtés.
    J’ai à nouveau envie de repartir. »
     
    Claire, comme elle en a pris l’habitude, commence une lettre à Patrice et recopie par commodité certains passages de ce qu’elle vient de relater dans son journal. Pas tout.
    Elle estime inutile de citer le séduisant Minko qui, à l’inverse de son fiancé, est un homme libre et qui se bat. Minko devient un anonyme officier. Doit-elle encore avouer à Patrice qu’elle a pris l’initiative de quitter son poste pour aller chercher une ambulance à Paris ? Que c’est une faute aux yeux de certaines personnes de la Croix-Rouge ? Qu’elle risque d’être momentanément suspendue de ses fonctions ? Il ne comprendrait même pas de quoi il s’agit... Par prudence Claire s’en tient à la nuit de Noël et lui redit toute sa tendresse, sa hâte de le voir revenir, ses rêves d’avenir où il tient la première place. Les phrases lui viennent facilement, elle aime écrire des lettres d’amour. « Beaucoup plus que de les recevoir », pense-t-elle amusée.

 
    Claire vient de sortir du métro Jasmin et descend en hâte la rue Ribera. Dans le métro bondé, écœurée par les odeurs humaines, les parfums parfois trop lourds des femmes, l’angoisse des voyageurs, elle a failli vomir. La crainte d’une possible migraine à venir l’obsède depuis la sortie du cinéma et lui a gâché l’heure passée au Café de la Paix en compagnie de Martine et de son fiancé.
    Depuis deux jours le froid a envahi la France. À Paris le thermomètre indique zéro, les météorologues annoncent que cette situation ne fera qu’empirer tout au long du mois de janvier. L’hiver sera au moins aussi dévastateur que celui de 1940. Claire ne peut pas s’empêcher d’y voir un mauvais présage. Contrairement à ce qu’elle croyait la veille, l’offensive allemande dans les Ardennes n’a pas encore été repoussée et, en ce dernier jour de l’année, l’effroi gagne tous les esprits. Dans une heure, le général de Gaulle offrira ses vœux à la nation. Quel sera le contenu de son discours ? Tous les Français, comme Claire, seront au rendez-vous pour l’écouter à la T.S.F.
    De retour chez elle, Claire frappe à la porte de la chambre de sa mère. Elle la trouve allongée sur le lit sans même un livre ou un ouvrage de couture à portée de main. La pièce n’est éclairée que par une seule lampe, les rideaux ne sont pas tirés. Ce laisser-aller lui ressemble si peu que Claire la croit malade.
    — Vous êtes souffrante, maman ?
    Un mouvement de la tête assorti d’une grimace douloureuse l’inquiète aussitôt. Elle croit comprendre :
    — Un nouveau coup de téléphone ?
    — Non.
    D’une voix affaiblie sa mère

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