Mon Enfant De Berlin
de mon pays, ou contraire à mon honneur d’officier.
C’est sur cet honneur d’officier, auquel je n’ai jamais failli, que je fais la présente déclaration.
Les années pendant lesquelles j’ai servi mon pays, le sang que j’ai versé pour lui, me donnent le droit de demander que l’occasion me soit donnée de me laver publiquement de ces accusations.
Fait à Berlin, le 26 février 1946
Jean Wiazemsky. »
Lettre de Claire :
« 4 mars 1946
Chère maman,
Un tout petit mot écrit à toute vitesse car je pars dans un instant à Leipzig et que j’apprends que quelqu’un va à Paris. J’ai essayé plusieurs fois de vous téléphoner mais je n’ai pu y arriver.
Nous ne savons encore rien de précis mais nous avons été rassurés par plusieurs côtés à la fois. La police française de Berlin a pris l’affaire en main et dit que cela s’arrangera très bien.
Wia est un tout petit peu détendu. Très peu, mais enfin, un peu. Inutile de vous dire que, jusqu’à maintenant, je n’ai pas nagé dans le bonheur comme disaient les gens que je rencontrais à Paris. Le pauvre Yvan est encore plus désespéré pour moi que pour lui. Tant que cette affaire ne sera pas réglée et bien réglée, il ne veut pas entendre parler de mariage. Moi, je fais tout ce que je peux pour lui rendre confiance, et dans la vie, et en lui, mais c’est difficile. Son visage qui semblait si heureux le jour de mon arrivée s’est refermé et sa mine n’est pas belle à voir.
Que pensez-vous de tout cela ? Qu’a fait papa ?
Il y a beaucoup de travail. Il fait très froid.
Demandez à papa de me, de nous pardonner, mais je vous assure que le pauvre Wia n’y est pour rien et qu’il est bien malheureux. Sa nature est incapable de prendre une histoire comme cela à la légère.
Je vous embrasse tous très fort.
Votre petite Claire. »
Il est à peine 6 heures du matin. Son enveloppe cachetée, Claire descend à l’étage des filles pour la déposer devant la chambre d’une collègue qui va à Paris et qui dort encore. Elle a déjà enfilé son manteau, chaussé ses bottillons car Mistou l’attend au volant de leur ambulance en compagnie de Wia. Ils font partie d’un convoi de quatre automobiles qui doit se rendre à Leipzig où, dans un hôpital de fortune occupé par les Soviétiques, une nouvelle et importante épidémie de typhus vient de se déclarer. Selon des sources pour l’instant secrètes, des Français prisonniers se trouveraient parmi les malades. Une première équipe médicale anglaise, déjà sur place, fait état de nombreux décès et de l’urgence à évacuer ceux qui, ayant déjà eu le typhus ou souffrant de ses dernières manifestations, ne sont plus contagieux.
Claire est de retour, le convoi peut démarrer. Sur sa demande, Mistou lui cède le volant. Wia, une carte approximative des environs de Berlin sur les genoux, fulmine devant le choix du trajet. Selon lui, une autre possibilité aurait permis d’utiliser des routes moins défoncées. Il ne cesse de s’en prendre au responsable de cet itinéraire, à la pluie qui tombe sans discontinuer. Claire et Mistou, sans se concerter, se gardent bien d’intervenir et de le contrarier. Elles voient à quel point il est à cran, tendu et totalement dépourvu d’humour. C’est la première fois qu’il se montre à elles dans cet état. Saura-t-il au moins convaincre les Soviétiques de restituer les Français ? Elles savent que cela peut prendre des heures, que Wia devra faire assaut de charme, de diplomatie. Pour l’instant, il semble uniquement préoccupé par les témoignages susceptibles de l’innocenter. Rosen et lui en ont réuni quelques-uns. Ils attendent avec impatience ceux de généraux américains.
Il fait encore nuit, le convoi avance lentement. Enfin, le jour se lève. Des carcasses de tanks carbonisés encombrent toujours les bas-côtés d’une route qui n’existe plus. Des vols de corbeaux affamés passent au-dessus des voitures et leurs cris lugubres accentuent l’aspect désolé des champs, des plaines.
Des heures après, le convoi atteint les abords de Leipzig, ce qui subsiste des premières habitations apparaît. Certaines sont totalement détruites, d’autres tiennent encore à peu près debout mais aucune n’a un toit. Les murs qui restent sont uniformément noircis par la fumée des incendies. Dans les rues, il n’y a personne pour regarder passer le convoi. À croire que, comme à
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