Montségur et l'enigme cathare
brigands, ce qui déclencha, à
l’intérieur même de la grotte, un horrible massacre de brigands et de soldats. Et
Jules Metman, après son récit mené tambour battant, c’est le cas de le dire, avec
un sens certain de l’épopée et un authentique talent littéraire, conclut ainsi :
« La grotte porte encore, en maints endroits, les vestiges des scènes de
carnage que nous venons de raconter, et la quantité de crânes et d’ossements
humains dont le sol, en certains endroits, est comme pétri, prouve que, malgré
le soin qu’on mit à recueillir et à transporter au-dehors les restes des
victimes de cette sanglante expédition, leur nombre fut si considérable que beaucoup
ont échappé à toutes les recherches et gardent pour tombeau le lieu même où
elles avaient perdu la vie. »
Il est fort possible que des brigands aient utilisé les
grottes d’Ussat comme repaire, ou comme dépôt, surtout à une époque où la
croyance populaire plaçait dans les entrailles de la terre des mondes
intermédiaires, voire inquiétants, que ne fréquentaient que des êtres
diaboliques. Peuplées au moment des grandes glaciations de la Préhistoire parce
qu’elles constituaient le seul refuge possible, les grottes, surtout celles qui
sont profondes et ténébreuses, ont suscité les pires terreurs et les fantasmes
les plus divers pendant les périodes où il faisait bon vivre à la surface de la
terre. Ce ne peut être qu’en cas de besoin absolu qu’on pénètre dans ces cavernes
du diable, sauf pour quelques audacieux qui prétendent y découvrir les trésors
de l’autre monde, ou bien s’y livrer à des liturgies inavouables. Le légendaire
de tous les pays, et particulièrement celui des Pyrénées, ne manque pas de
signaler d’étranges apparitions près des grottes de ce genre : la fameuse
Dame blanche, bien entendu, y demeure, et c’est là qu’elle entraîne les enfants
qu’elle dérobe dans les villages ; il y a aussi des ogres qui s’y
réunissent, en festoyant joyeusement de chair humaine ; il y a les diables
qui y tiennent sabbat en compagnie des sorcières, les seules qui n’aient point
peur d’y pénétrer. Les grottes, c’est le monde interdit.
Mais, par conséquent, un monde attirant.
En cette même fin du XIX e siècle,
alors que les érudits de chef-lieu de canton, comme on les appelle si joliment,
recueillent tout ce qu’ils peuvent découvrir de traditions populaires orales
pour en remplir les bulletins des sociétés savantes, un écrivain occitan, Napoléon
Peyrat, très épris de son pays, publie une Histoire
des Albigeois en trois volumes. Dans le troisième tome, on peut lire ces
lignes à propos de la grotte de Lombrives :
« Comment rendre au jour ce drame obscur, perdu depuis
plus de cinq cents ans, à 2 000 mètres dans les profondeurs de la terre, et
dont il ne reste plus d’autre témoignage qu’un muet amas d’ossements à demi
pétrifiés ? » Et nous débouchons brutalement dans l’univers cathare
de 1244 : « Depuis le jour où le pieux Loup de Foix venait prier dans
la grotte d’Ornolac, cinq ou six cents montagnards, fugitifs de leurs hameaux, s’étaient
établis, hommes, femmes, enfants, dans ces ténèbres et formaient autour du
pasteur cathare un mélange de colonie mystique et de camp sauvage. Un nouveau
Montségur s’était organisé, non plus chevaleresque comme l’autre, et perché
dans les nuées, mais rustique au contraire, et perdu dans un antre de montagne,
un gouffre perforé par un torrent diluvien. »
On s’y croirait. Mais ce n’est pas tout : repérée par l’Inquisition,
la grotte de Lombrives va être investie par les troupes royales, avec la
bénédiction du seigneur de Castelverdun, possesseur du territoire d’Ornolac, sur
lequel se trouve la grotte, seigneur qui vient de se convertir au catholicisme
authentique. « Le sénéchal pénètre sous le vaste porche, force le goulot
intérieur, et croit les envelopper tous d’un coup de filet, comme un nid de
bêtes fauves, dans un fond de tanière, sous la rotonde sans issue de Loup de
Foix. Mais la grotte est double, ou plutôt le couloir oriental qu’il venait de
parcourir, d’une étendue d’un quart de lieue, n’est que le vestibule d’une
galerie supérieure trois fois plus profonde qui forme la caverne mère.
« On gravit celle-ci par un escarpement d’une hauteur
perpendiculaire de quatre-vingts pieds, vertical mais divisé par cinq ou six
ressauts, dont
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