Morgennes
d’errer dans ce labyrinthe, je suis parvenu par le plus grand des hasards à retrouver la porte de platine que Palamède avait ouverte, la fois où je l’avais suivi. Là, j’admirai l’ibis qui s’y trouvait gravé…
— Les ibis, dit Azyme, sont les ennemis mortels des serpents, et donc des dragons. C’est même l’un de nos animaux fétiches.
— Bref, poursuivit Morgennes, j’étudiai cette porte, me demandant comment l’ouvrir, car contrairement aux précédentes elle n’avait ni serrure, ni poignée d’aucune sorte. Je plaquai mon oreille contre elle, tâchai d’écouter ce qu’il y avait derrière, mais je n’entendis rien. Sinon le bruit de mon propre sang, battant à mes oreilles. Redoutant à chaque instant que Palamède ne surgisse, soit devant, soit derrière moi, je touchai l’ibis du bout des doigts, à la recherche d’un relief qui eût pu me fournir un indice. Et j’en trouvai un.
— Lequel ?
— Cette inscription : « Passe ta flamme sur mon corps. »
— Ah ! Ce n’est pas difficile !
— Non, en effet. C’est ce que j’ai d’abord pensé. Promenant ma torche sur la porte, je m’attendais à voir celle-ci s’ouvrir, mais rien ne se produisit. De désespoir, je me la suis même passé sur le bras – pour ne réussir qu’à brûler mon habit.
— Et ton bras ?
— Il va bien, ne t’inquiète pas.
Azyme ne fit aucun commentaire, se disant qu’avec Morgennes il n’en était plus à une énigme près, et que la clé de ces énigmes viendrait en temps et en heure.
— Qu’as-tu fait ? demanda-t-il tout de même, curieux de savoir si Morgennes avait ou non réussi à franchir la porte à l’ibis.
— Je me suis caché, toute une journée, et j’ai attendu que Palamède revienne – afin d’observer la façon dont il s’y prenait. Le soir venu, il arriva, seul, comme d’habitude, son épée à la main. Il s’approcha de la porte, et fit courir la flamme de sa torche sur l’ibis. Aussitôt, la porte s’ouvrit, et il entra dans ce qui semblait être un jardin – car un vent frais me chatouillait le visage, tandis qu’une odeur de feuillage m’arrivait aux narines.
— Diable !
— Exactement, fit Morgennes. Je n’étais pas au bout de mes peines. J’aurais pu, s’il avait fallu, me précipiter derrière lui – et me faufiler à l’intérieur du jardin. Mais il m’aurait aussitôt repéré, et je n’avais pas envie de mettre la princesse en danger.
— Alors ? Qu’as-tu fait ?
— Je me suis dit : « Allons parler de cela au sage Azyme. Il saura m’aider ! »
— Tu n’as donc pas trouvé ?
— Non. Ni la façon de franchir cette porte, ni même de dragon… Tu en sais autant que moi. Qu’en penses-tu ? Que dois-je faire à ton avis ?
— Eh bien, réfléchissons… Qu’avons-nous ? Sept portes, de taille et de matériaux différents. La septième est ornée d’un ibis, quand les autres sont ornées, dans l’ordre, de dragons, de vaches, de chats, de rats, de chiens et de serpents. Ce n’est sûrement pas un hasard, car ainsi que je te l’ai déjà dit, l’ibis et le serpent sont ennemis. Alors, si la sixième et (supposée) avant-dernière porte est un serpent, et la dernière un ibis… Ce dernier a la réputation, chez les Mahométans, d’être le gardien de l’encens… Or chez les anciens Égyptiens l’encens était appelé sontjer, c’est-à-dire « ce-qui-rend-divin »… Y aurait-il un rapport avec leur damné Jour du Serpent ?
— À qui s’adresse l’ibis ? demanda Morgennes.
— Mais, à toi ? Non ? Je veux dire, au visiteur…
— « Passe ta flamme sur mon corps. » Quel est le mot important ? « Flamme » ? J’ai essayé la torche, et ça n’a rien donné. « Corps » ? Par Dieu, je le jure, j’ai passé ma torche tant et tant de fois sur cet ibis qu’il s’en est retrouvé totalement noir de suie !
— Que dis-tu ? éructa Azyme.
— Je dis, répéta Morgennes, que j’ai passé tellement de fois ma torche sur cet ibis qu’il s’en est retrouvé noirci.
Azyme se leva de sa chaise, si brusquement qu’il la renversa.
— Mais Morgennes, ne vois-tu pas ? C’est évident !
— Non, dit Morgennes, je ne vois rien.
— Mais sers-toi donc de tes yeux !
— Je suis désolé, je ne comprends pas.
— Combien de fois, m’as-tu dit, Palamède a-t-il ouvert cette porte ?
— En tout ? Je ne sais pas. Mais un grand nombre, assurément,
Weitere Kostenlose Bücher