Mort à Devil's Acre
envie de
vivre une aventure et tu as profité de l’occasion. Malheureusement, tu n’as pas
pris la peine de réfléchir aux conséquences !
— Eh bien, puisque Madame est si clairvoyante, pourquoi
ne m’a-t-elle pas prévenue ? s’exclama Charlotte, la gorge nouée.
— Parce que je ne m’en étais pas rendu compte, admit
Emily. Comment aurais-je pu deviner que tu te comporterais de cette façon ?
Autrefois, tu étais incapable de flirter avec qui que ce soit !
— Mais je ne « flirtais » pas !
— Oh, que si !
Emily soupira et ferma les yeux.
— Au fond, tu es peut-être trop ingénue pour imaginer
avoir du succès auprès des hommes, ça je te l’accorde. Mais je te jure que je
ne t’emmènerai plus jamais avec moi dans le grand monde ! Tu es une vraie
calamité.
— Oh si, tu le feras, car tu ne supporterais pas d’être
laissée pour compte, si Thomas était chargé d’une autre enquête criminelle dans
la bonne société.
Emily chercha à capter son regard.
— Je me suis mal comportée, je le reconnais, poursuivit
Charlotte. Le dire n’arrange rien. Si seulement je pouvais revenir en arrière…
— Oui, mais tu ne le peux pas ! Tant qu’à faire, que
cela nous serve au moins à quelque chose. Que savons-nous d’autre ? Tu
sais, je me demande si ces quatre hommes ont tous été victimes du même
meurtrier… Ou encore, si seul l’un d’entre eux était important…
— Que veux-tu dire ? Un crime est toujours une
chose grave !
— Eh bien… imagine que l’élimination d’une seule
personne comptait pour l’assassin. Par exemple, que Beau Astley ait voulu se
débarrasser de son frère. Je crois savoir qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. S’il
l’avait tué de façon, disons, ordinaire, il aurait été le premier suspect. En
revanche, si Bertie n’était qu’une victime parmi d’autres, celles-ci n’ayant
aucune relation avec Beau…
— C’est terrible, ce que tu dis là !
— Oui, bien sûr. Et pourtant, j’apprécie Beau un peu
plus chaque fois que je le rencontre. Mais un assassin, et même un malade
mental, n’est pas nécessairement un individu antipathique, alors que beaucoup
de gens honnêtes et sains d’esprit le sont…
Charlotte avait eu l’occasion de s’en rendre compte, par le
passé.
— Bertie Astley possédait des immeubles dans Devil’s Acre,
expliqua-t-elle. C’est de ces locations qu’il tirait une partie de ses revenus.
Emily soupira.
— J’aurais dû m’en douter…
— C’est bien joli, mais cela ne nous aide guère.
— Et Thomas, qu’en pense-t-il ?
— Il ne me dira rien.
Emily réfléchit.
— Je me demande… commença Charlotte.
— Quoi ?
— Je n’en mettrais pas ma main au feu, mais…
Elle pensait à Christina, si jeune, pleine de désirs insatisfaits…
Travaillait-elle pour Max ? Alan Ross se livrait si peu ! Il ne lui
offrait sans doute pas l’amour passionné dont elle rêvait. Cherchait-elle à se
prouver qu’elle existait en accumulant les aventures, dans une sorte de quête
perpétuelle du bonheur ?
Ross avait-il découvert la vérité ? Pourquoi pas, après
tout ? S’il nourrissait des soupçons, il lui aurait été facile de prouver
que sa femme le trompait.
— Allons, je te connais, s’impatienta Emily, toi, tu as
une idée derrière la tête. Tu te méprends peut-être, mais tu as déjà trouvé une
explication…
— Non, non, je t’assure.
L’expression d’Emily s’adoucit.
— Ah, j’ai compris… Tu ne peux te le cacher plus
longtemps, mais tu n’oses pas me le dire. Oui, bien sûr, il pourrait s’agir de
Balantyne.
— Le général ! Tu es folle ! se récria
Charlotte, effarée. Mais non, c’est impossible !
— Pourquoi pas, s’il a appris que sa fille se
prostituait chez Max ? Jamais il ne pourrait supporter cette disgrâce !
C’est un militaire, habitué au sacrifice et à la discipline. Un soldat qui se
couvre de honte trouve une issue honorable en se faisant sauter la cervelle. D’une
certaine manière, un tel acte rééquilibre la balance morale en sa faveur. On se
souvient de lui avec une sorte de respect. Balantyne ferait cela pour Christina,
non ?
— Mais Christina n’a pas été tuée d’un coup de revolver !
Pourquoi aurait-il assassiné ces quatre hommes ? Cela n’a aucun sens !
Protestations de pure forme, elle le savait.
Emily tendit la main et la posa sur la sienne.
— Bien sûr que si. Il
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