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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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compris, du moins les plus positifs. Il aurait d’autres occasions de
montrer à Ross sa sympathie, de lui faire comprendre qu’il compatissait
sincèrement à sa peine, parce que lui aussi souffrait de la même solitude et se
sentait ligoté par le même sens du devoir ; un devoir qu’il lui fallait à
tout prix remplir, sous peine d’aller droit à sa propre destruction.
    — Au revoir, général, fit Ross avec un léger sourire. Merci
de votre visite.
    — Au revoir, Alan. Tout le plaisir a été pour moi.
    Aucun des deux hommes ne pria l’autre de transmettre ses
salutations à son épouse.
    Balantyne quitta le domicile de son gendre et partit à
grands pas dans la froidure. Il n’était pas venu en voiture, préférant l’isolement
et la marche à pied. Il aimait sentir la brûlure du vent froid sur son visage. Et
surtout, il mettrait plus de temps pour rentrer chez lui.

10
    Charlotte ne dit pas à Pitt qu’elle avait revu le général
Balantyne. En fait, elle ne lui avait jamais parlé de ses différentes visites ;
de toute manière, il s’en doutait ! Elle savait, depuis qu’il était revenu
de l’hôpital, pâle et ensanglanté, qu’il était prêt à prendre tous les risques
pour mettre la main sur le tueur de Devil’s Acre. Penser qu’il avait failli
perdre la vie la faisait encore frissonner d’horreur. En temps normal, elle
refusait de songer aux dangers qu’il courait. L’idée qu’il puisse être blessé
ou tué lui était insupportable. De toute façon, qu’y pouvait-elle ?
    Elle n’ignorait pas qu’il réprouvait totalement sa
participation, même marginale, à cette enquête. Elle se sentait un peu coupable
car, à vrai dire, elle avait adoré porter les belles robes d’Emily et aller
danser dans de grands salons pleins de lumières, de musique et de couleurs. C’était
merveilleux de pouvoir se montrer – juste un petit peu – dans la bonne société !
    Elle aimait vraiment beaucoup le général Balantyne. Et c’était
bien là le drame : elle avait fait preuve d’une grande légèreté en ne
prévoyant pas qu’il pût éprouver pour elle autre chose qu’une simple et
profonde amitié. Bien sûr, elle avait désiré qu’il l’admirât, qu’il la trouvât
belle et séduisante, sans croire que cela se produirait. Mais ce jour-là, face
à la douceur de son regard, à cette fixité si particulière d’un être qui vous
livre son âme à nu, elle avait pris conscience qu’il ne s’agissait plus d’un
simple marivaudage, que l’on peut maîtriser à tout moment, selon son gré.
    Bien entendu, il était hors de question d’en parler à Pitt. Lorsqu’il
rentra ce soir-là, fatigué et transi, la démarche raidie par sa blessure encore
douloureuse, elle lui apporta le souper sur un plateau, dans le salon.
    Elle garda le silence pendant qu’il mangeait, puis l’impatience
triomphant de la raison, comme d’habitude, elle ne put tenir sa langue.
    — Avez-vous découvert un lien entre les victimes ?
demanda-t-elle d’un ton qu’elle voulait détaché.
    Pitt lui lança un regard dubitatif et repoussa son plateau.
    — Merci, c’était délicieux.
    Charlotte attendit.
    — Eh bien non, pas encore ! s’exclama-t-il. Ils avaient
tous de bonnes raisons de se trouver à Devil’s Acre, mais je ne parviens pas à
mettre la main sur une personne les ayant connus tous les quatre.
    — De bonnes raisons ?
    Pitt n’avait encore jamais abordé ce sujet… Elle s’efforça
de cacher son excitation.
    — Je sais que Max tenait un établissement de
prostitution. Mais les autres ?
    — Pinchin pratiquait des avortements.
    — Pour Max ? demanda-t-elle avec vivacité.
    — Pas à ma connaissance, mais c’est possible.
    — Alors, peut-être qu’une femme de la haute société…
    Elle se mordit la langue. Son idée n’était pas très
brillante, et, en montrant trop d’intérêt, elle s’était trahie ! Pitt
risquait de ne plus lui donner les informations dont elle avait besoin.
    — Pardonnez-moi.
    Un léger sourire se peignit sur les lèvres de Pitt, qui
ferma les yeux et s’enfonça dans son fauteuil.
    — Excuse acceptée…
    Charlotte fit contre mauvaise fortune bon cœur, au prix d’un
grand effort. Elle s’efforça d’offrir un visage serein et compta jusqu’à cent
avant de reprendre la parole.
    — Et Pomeroy ? Ne me dites pas qu’il apprenait aux
prostituées à tenir leurs comptes ?
    Pitt sourit de nouveau, malgré lui, puis,

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