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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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se mettre à l’aise et à s’asseoir sur celui d’en face ; puis elle
croisa les mains sur ses genoux et le dévisagea aimablement.
    — Eh bien, que désirez-vous savoir, inspecteur ?
    Pitt était quelque peu surpris par cette femme, si calme, si
différente de Max ou d’Ambrose Mercutt ; la maison close qu’elle dirigeait
ressemblait à une confortable pension de famille. Il se sentit tenté d’user d’euphémismes,
ce qui, au fond, était ridicule.
    — Je… j’enquête sur un crime, madame, bredouilla-t-il, mal
à l’aise. Ou plutôt sur trois crimes.
    — Oh, c’est affreux… dit-elle sur le ton que l’on
emploie pour remarquer qu’il fait mauvais temps.
    Elle le dévisageait avec franchise, comme une enfant
obéissante, attendant la suite. Pitt était déconcerté. De deux choses l’une :
ou bien elle n’avait pas compris ses paroles, ou bien la mort était pour elle
chose si banale qu’elle ne la choquait plus. En croisant son regard gris et
posé, il opta pour la deuxième hypothèse.
    Violet apporta du thé sur un plateau et se retira. Victoria
remplit une tasse et la lui tendit.
    — Merci. La première victime se nomme Max Burton. Il
tenait un établissement dans George Street ; vous en avez peut-être
entendu parler.
    — Bien entendu. Nous savons qu’il a été assassiné.
    — Ses affaires marchaient bien ?
    Pourquoi avait-il tant de mal à la questionner ? Parce
qu’elle ne lui offrait aucune ouverture, ou que, contrairement à Mercutt, elle
n’était pas sur la défensive ?
    — Oh, oui, répondit-elle. Il avait un talent
remarquable.
    Pour la première fois, son visage refléta un sentiment, qui
pouvait être de la colère. Ses lèvres pulpeuses prirent une expression
vaguement méprisante, mais Pitt était persuadé qu’il s’agissait d’une mimique
réprobatrice, et non le résultat d’une offense personnelle.
    — Ambrose Mercutt prétend que Max faisait travailler
des femmes de la haute société dans son établissement, poursuivit-il.
    — Il vous a dit cela ? Ça ne m’étonne pas de lui, fit-elle
avec un léger sourire.
    — Est-ce vrai ?
    — Oui. Max était très habile, vous savez. Un vrai don
Juan. Certaines femmes bien nées et oisives finissent par mourir d’ennui auprès
de maris insignifiants qu’elles ont épousés par convenance. Ils sont souvent
âgés, plus ou moins impuissants, dépourvus de désir et d’imagination. Fascinées
par Max, elles commençaient par avoir une liaison avec lui, puis il leur
faisait rencontrer des gentlemen fortunés… Il pouvait se permettre de faire
payer très cher les services de ces femmes-là.
    Elle parlait de cela comme une bonne commerçante vante la
qualité de sa marchandise.
    — Vous a-t-il pris des pensionnaires ? s’enquit
Pitt avec une égale franchise.
    — Quelques-unes seulement. Ici, nous fournissons à
notre clientèle des femmes expérimentées, non des novices. Ces dames de la
haute société recherchent surtout l’aventure…
    Elle fronça les sourcils.
    — Au fond, elles ont besoin de se distraire. Elles n’ont
ni la patience ni le désir d’offrir du plaisir. Une bonne prostituée doit avoir
de l’humour, se donner avec générosité, et surtout ne pas poser de questions. Et
avoir beaucoup d’expérience, ajouta-t-elle avec un petit sourire triste.
    Elle parlait avec naturel d’une réalité qui lui était
quotidienne et qui n’éveillait en elle aucune émotion particulière. Connaître
son métier était indispensable à sa survie.
    — Et Ambrose Mercutt, qu’en pensez-vous ? demanda
Pitt, préférant changer de sujet.
    — À mon avis, son commerce souffrait de la concurrence.
Mercutt est lui aussi spécialisé dans la prostitution de luxe ; ses
clients sont des gentlemen blasés qui rêvent de nouveauté, afin de stimuler
leur… imagination défaillante ; ils sont prêts à payer le prix fort pour
cela.
    Son visage reflétait maintenant un réel mépris. Dans ses
yeux plissés passa une étincelle haineuse. Mais contre qui était-elle dirigée, Pitt
l’ignorait. Peut-être contre ces femmes riches et gâtées qui vendaient leurs
charmes pour le plaisir, en amateurs, alors que ses pensionnaires faisaient
cela pour vivre. Ou bien contre Ambrose, qui se prêtait à leurs exigences. Ou
encore contre ces hommes qui pouvaient tout obtenir parce qu’ils étaient riches.
    Haïssait-elle aussi Max de lui avoir fait concurrence ?
Ou s’agissait-il de quelque

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