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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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l’action.
    Après qu’ils eurent échangé un bref regard, le garçon au
visage d’ange fit passer par-dessus sa tête la lanière de cuir qui retenait son
plateau et, envoyant rouler au sol le chou à moitié découpé et les tranches de
porc, s’en débarrassa en le posant sans ménagement sur la table. La fille de
cuisine, qui suivait ces gestes avec étonnement, ressentit d’abord un pur
bonheur lorsque le jeune homme, se plaçant vivement derrière elle, lui enserra
la taille du bras, mais éprouva bientôt un tout autre genre de frisson lorsqu’il
lui appuya sous l’oreille la pointe de son couteau. Par-dessus son épaule, les
yeux gris verre défiaient la cuisinière qui, la poitrine palpitante, était en
train de s’emplir les poumons d’air.
    — Si tu cries, je la tue.
    Il semblait envisager avec intérêt cette éventualité.
    Le colporteur avait disparu, avec une célérité étonnante
chez un homme de son gabarit. Il avait arraché le couteau de la main flasque de
la cuisinière et s’était éclipsé par la porte donnant dans la maison. Le chien,
avec le même puissant instinct qui lui avait évité de finir en court-bouillon
dans son village natal, franchit avec précipitation la porte de la cour par où
il était entré. Par malheur pour son nouveau maître, il trouvait depuis sa plus
tendre enfance qu’il était inconvenant d’aboyer dans les moments de grand
danger.
    Benno fut donc plus content qu’ennuyé de voir l’affectueux
Biondello le rejoindre dans la chaude odeur de paille des écuries, même s’il
dut l’éloigner à plusieurs reprises de ses pieds pendant qu’il étrillait les chevaux.
Il sifflotait en travaillant, sans savoir qu’aux oreilles fines qui guettaient
dans la cuisine, il signalait ainsi à la fois son insouciance et l’endroit
précis où il se trouvait.
    Dans l’une des chambres en façade de la villa, une servante
occupée à balayer le sol de marbre rêvait d’un bel étranger. Elle aurait été
fort étonnée de savoir qu’un tel inconnu l’attendait dans la cuisine.
    Jetant un coup d’œil distrait par la fenêtre, elle vit un
homme traverser la terrasse dallée qui s’étendait devant la maison, et le
reconnut lorsqu’il rejeta son capuchon en arrière, découvrant un crâne rasé. Une
nonne l’accompagnait, probablement une visiteuse pour la compagne de la
maîtresse de maison, car à coup sûr ça n’était pas une compagne convenant à maître
Hubert.
    La servante ne perdit pas de temps. Elle posa son balai
contre le mur, se débarrassa de son tablier et, se précipitant dans le hall, tira
une ou deux mèches pour les faire dépasser de son bonnet. En revanche, en ouvrant
la grande porte de chêne, elle ne vit pas l’autre homme dissimulé derrière la
tapisserie de Vénus et Adonis, au fond du hall, car si elle l’avait vu elle n’aurait
pas souri d’un cœur léger en faisant sa révérence.
    Cette fois, elle était déterminée à ne pas se laisser déposséder
du privilège d’annoncer l’éminent visiteur, et comme son retour, attendu de
jour en jour, ne constituait pas une surprise, il la laissa le précéder dans l’escalier
de marbre vert. Il ne mentionna pas la nonne, bien qu’il lui ait tenu la main
pour la faire entrer dans la maison. La servante savait que la veuve Costa ne prêterait
pas grande attention à cette visiteuse inattendue, mais qu’elle serait
accueillie avec plaisir par sa belle-sœur, qui adorait les religieuses. Ses
propres chaussons, les bottes de l’homme et les souples chaussures de la nonne
foulèrent les degrés usés de marbre vert constellé de points blancs qui
donnaient l’impression de marcher sur l’eau.
    Ce miracle n’amusa pas du tout le colporteur, qui aurait
préféré que la servante se joigne à la petite fête donnée à la cuisine par son
compère. Il attendit, toujours dissimulé derrière la tapisserie, que le trio
disparaisse à sa vue. Une porte s’ouvrit. On entendit des exclamations
assourdies. Il attendit, le couteau à la main, tandis que la servante dévalait
l’escalier d’un pas léger, un petit sourire aux lèvres, pressée d’apporter aux
hôtes rassemblés au piano nobile [6] le vin que la veuve lui avait demandé. Elle écarta la tapisserie, dont le bord était
noirci et déformé par ce geste répété mille fois, mais ne vit personne derrière
les plis du tissu.
    Dans la cuisine, elle découvrit l’étrange et silencieux tableau
vivant.
    Sa tentative d’y

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