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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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Non seulement il
ressemblait comme deux gouttes d’eau à un de ces angelots peints sur les murs
des églises, mais sa chevelure était de la plus étrange couleur qu’elle eût
jamais vue, dorée avec des reflets fauves. Elle touchait et examinait les agrafes
que le colporteur lui montrait, mais si elle les élevait à la lumière, c’était
simplement pour pouvoir regarder le jeune homme à la dérobée. Le colporteur, un
homme immense avec une barbe rousse et un chapeau de cuir noir qui occupait un
large espace, même dans la vaste pièce qu’était la cuisine, débita avec un fort
accent étranger son boniment à la cuisinière. Ce soir, le dîner de la veuve
Costa et de sa belle-sœur serait sans doute servi en retard.
    Les visiteurs n’étaient pas rares à la villa ; la veuve
connaissait beaucoup de monde et, surtout en été, une nombreuse parentèle
venait séjourner chez elle. Le colporteur, qui avait une abondante provision de
nouvelles sur ce qui se passait à Rocca depuis la mort de la duchesse, s’enquit
discrètement d’éventuelles visites récentes, et la fille de cuisine se demanda
s’il espérait vendre à sa maîtresse le coupon de soie noire qu’il disait
transporter dans son paquetage. Supposons que Gueule d’ange le sorte pour le
montrer, qui pourrait résister ? Ils formaient un étrange duo, l’homme de
haute taille à la carrure de lutteur et le mince jeune homme à qui ne manquait
qu’une paire d’ailes pour voleter au-dessus d’eux. Elle tenta de croiser son regard
pour lui sourire, mais il garda les yeux obstinément baissés sur son plateau.
    — Ainsi votre maîtresse n’a vraiment vu personne depuis
Noël ? Pas la moindre occasion de montrer vos talents ?
    La cuisinière se rengorgea, ce qui provoqua un impressionnant
mouvement de chair. Elle avait autorisé que l’on plaquât le ruban cerise contre
sa poitrine, mais, menaçant en riant d’embrocher la main du colporteur avec son
couteau, elle venait de lui prendre le tissu pour constater par elle-même l’effet
qu’il y produisait ; l’autre, en rien découragé, prit un miroir sur le plateau
et le lui présenta afin qu’elle puisse juger du résultat.
    — Pas la peine d’avoir un banquet pour démontrer ses
talents. Ma maîtresse sait apprécier mon travail, qu’elle ait ou non des invités. Et des invités, nous en avons. Tenez, pas plus tard que mercredi, elle
avait à table le soldat qui s’est battu en France aux côtés de son mari, Dieu
ait son âme, un homme aussi grand et fort que vous, avec le crâne rasé comme un
prêtre.
    — Plus rasé qu’un prêtre, renchérit la fille de cuisine,
enchantée de voir le jeune ange lever les yeux.
    Ils étaient gris comme le verre, mais le garçon regarda la
cuisinière, puis le colporteur, mais pas elle.
    — Un soldat au crâne rasé ? Peut-être s’est-il
fait prêtre pour racheter ses péchés. En quelle compagnie voyageait-il ? Sans
doute avec quelque soudard qui aura fait la guerre avec lui ?
    La cuisinière tendit une main dodue pour ajuster le miroir
qu’il tenait. Elle allait répliquer quand son aide l’interrompit en gloussant, s’obstinant
à vouloir attirer les yeux qui refusaient de regarder dans sa direction.
    — Un soudard ? Un idiot, oui. Ce malotru n’a pas arrêté
de jacasser de la soirée, tout en engloutissant la moitié de nos provisions. Il
n’a pas parlé d’autre chose que de nourriture. Et avec ça incapable de répondre
à la moindre question  – il se contentait de nous regarder, bouche bée. Il
avait avec lui une sacoche puante mais il a refusé de me faire voir ce qu’elle
contenait. Le cadavre de quelque animal, pour sûr. Et il avait un petit chien
blanc qui avait plus de puces qu’une poule a de plumes, avec une oreille en
moins.
    Elle mit brutalement terme à sa description, qu’elle avait
débitée d’un seul trait. À cet instant venait en effet d’apparaître, comme en
écho à ses paroles, un petit chien blanc à une seule oreille qui entra en
trottinant dans la cuisine en agitant la queue d’un air plein d’espérance.
    La queue ralentit son mouvement, puis s’immobilisa. Considérant
tour à tour les visages baissés vers lui, le chien sentit que quelque chose
clochait. La fille de cuisine et la cuisinière, dotées d’une perception moins
fine que la sienne, mirent plus de temps à comprendre que la situation leur
échappait. Cessant de fixer le chien, les deux hommes passèrent à

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