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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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ajouter un effet sonore fut étouffée dans l’œuf :
le couteau du colporteur était sur sa gorge.
    Les yeux écarquillés, elle parut imiter de façon grotesque
la fille de cuisine debout en face d’elle, image double de la terreur. La
cuisinière plaqua ses deux mains grassouillettes devant sa bouche comme pour bloquer
les hurlements qui menaçaient d’en sortir. Son visage était exactement de la
couleur des navets sur la table, blanc crème avec des nuances verdâtres.
    Gueule d’ange, devant cette responsabilité supplémentaire, répéta
que le moindre cri précipiterait la mort de la fille de cuisine. Afin de
souligner ses paroles, il fit éclore comme par magie un bourgeon de sang sur la
gorge d’icelle, provoquant chez ses trois prisonnières un sursaut silencieux et
simultané.
    Après avoir confié la servante à des mains si peu sûres, le
colporteur s’éclipsa à nouveau.
    À l’étage, la veuve Costa avait embrassé avec beaucoup de
cordialité ses deux visiteurs, et Sigismondo avait baisé la main de la
belle-sœur, qui s’était rengorgée comme un vieil oiseau menu en caressant l’espoir,
qu’elle n’osa toutefois pas formuler à haute voix, d’entendre à nouveau des
histoires excitantes au cours du dîner ; et avec le souhait que ces
histoires ne seraient pas édulcorées par la présence d’une religieuse. Elle
ignorait qu’elle-même allait être mêlée sous peu à une histoire excitante.
    Sigismondo n’expliqua pas tout de suite la présence de la
nonne, et la veuve Costa, après avoir fait judicieusement asseoir celle-ci
auprès de sa belle-sœur, installa son hôte sur une chaise à dossier bas faisant
face à la fenêtre de façon à bien voir les expressions de son visage, tandis qu’elle
s’asseyait à contre-jour, étant d’un âge où une femme préfère être vue à la
lueur des bougies plutôt qu’à la clarté du soleil d’hiver. Elle se pencha pour
prendre ses larges mains dans les siennes et, tout en les caressant, se mit non
à le questionner à propos de son voyage ou de la nonne, car elle était depuis
trop longtemps son amie pour ignorer que c’était lui qui choisirait ce qu’il
voudrait bien lui en dire, mais à le distraire par le récit d’anecdotes amusantes
survenues durant sa courte absence. Elle était justement en train de raconter, avec
une indignation presque convaincante, comment sa compagne avait découvert que
deux de ses médailles de pèlerinage, celle de Sainte-Godelive de Gand et celle
du saint patron de son hôte, Hubert de Bruxelles, avaient disparu, quand la
porte s’ouvrit. Comme elle attendait la servante avec le vin, la veuve ne leva
même pas les yeux.
    Si sa belle-sœur et la nonne n’avaient pas, elles, levé la
tête et crié en même temps, le couteau se serait peut-être fiché dans le dos de
Sigismondo. Mais, en les entendant, celui-ci s’était retourné d’un bloc en rentrant
la tête dans les épaules, et le couteau alla se planter dans le bois du montant
de la fenêtre, où la puissance du lancer le fît vibrer quelques secondes.
    Le colporteur, qui n’avait récupéré que par hasard le couteau
de la cuisinière, ne se trouva pas pour autant désarmé : brandissant son
propre poignard, plus long et tout aussi aiguisé, il bondit en avant. La chaise
de Sigismondo le cueillit au vol, frappant son bras avec une telle violence qu’il
lâcha son arme. Sigismondo se débarrassa de la chaise et les deux hommes s’empoignèrent.
La veuve Costa et sa compagne, anxieuses et terrorisées, se serrèrent l’une
contre l’autre en retenant leur souffle tandis que les deux lutteurs
vacillaient puis roulaient au sol, toujours agrippés l’un à l’autre, le visage
de l’un enfoui dans la manche de l’autre, Sigismondo s’efforçant de poignarder
son adversaire, celui-ci tentant de l’en empêcher. Le chapeau de cuir vola à
travers la pièce comme un lourdaud volatile, les hommes grognaient tandis que
le plancher résonnait de chocs sourds. D’un coup de reins, Sigismondo prit le dessus
et, d’un grand geste, abattit le couteau, mais le dévia au dernier moment pour
l’enfoncer dans le parquet. Les deux hommes, soudain immobiles, se dévisagèrent.
    — Barley. Vieux scélérat. Tu t’es laissé pousser la barbe !
    — Martin ! Tu as perdu tes cheveux !
    Les trois femmes ne pouvaient pas plus croire à ce qui se
passait alors qu’à la scène qui venait de se dérouler. Pourtant, après quelques
instants,

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