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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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prudent de retourner chez Cosima avant l’ultime instant.
    Le crépuscule tomba vite. De sombres nuages obscurcirent ce
qui subsistait de clarté dans ces cellules qui n’en admettaient jamais beaucoup.
Des portes s’ouvraient et se fermaient. On entendit un chant s’élever au loin, puis
se rapprocher, et on eut l’impression, plutôt qu’on entendit, qu’un grand
nombre de personnes s’assemblaient dans le couloir. Quelqu’un s’appuya contre
la porte de la cellule. Une clochette tinta, la veuve ouvrit sa porte, s’agenouilla
et resta dans cette position. Les sœurs escortaient le prêtre qui s’en allait
donner les derniers sacrements à sœur Benedicta.
    La situation ne pouvait être plus favorable.
    Sœur Ancilla apparut, le voile légèrement de guingois, comme
si elle avait dû fendre un groupe compact, et l’air plus distrait que ne l’autorisait
la règle. Elle portait à deux mains une coupe en corne presque pleine. Elle
déclara d’un ton pressant que la veuve devait boire ce médicament sur-le-champ,
puis se coucher et se reposer. Sans prendre le temps de vérifier que ses
instructions étaient obéies, elle se retourna et prit une chandelle à une sœur
qui, debout à la porte, en tenait deux. La porte se referma.
    La veuve renifla la coupe, leva les yeux au ciel et hocha
lentement la tête en faisant la moue : c’était bien une potion pour les
indiscrets. On aurait pu avoir besoin des services du père Vincenzio dans cette
cellule-ci une fois qu’il en aurait eu fini avec sœur Benedicta.
    Un bruissement de pas dans la pièce à côté déclencha un
exode général. La procession rebroussa chemin.
    La veuve entrouvrit d’un cheveu sa porte et vit sœur Benedicta,
transportée sur son lit par les sœurs, qui partait pour la chapelle dans un éblouissement
de cierges. Dès que la procession entra dans le dortoir, la veuve quitta sa
cellule et gagna celle de Cosima.
    La jeune fille reposait immobile, les yeux clos.
    — Cosima.
    Celle-ci souleva les paupières et s’assit ; ses yeux brillaient
dans l’obscurité.
    — Elle a essayé de me réveiller, alors j’ai fait semblant
de dormir à poings fermés. Ensuite elle m’a pris le pouls, et à mon avis, elle
a dû être étonnée. J’osais à peine respirer. Je crois bien qu’elle n’a pas été
convaincue. Vous pensez qu’elle se doute de quelque chose ?
    — C’est certain. Étant versée dans la médecine, elle sait
très bien ce qu’elle fait. Elle m’a fait porter une potion de ciguë mélangée à
de la valériane. Ne perdons pas de temps en bavardages. Benno nous attend, il a
préparé les chevaux.
    Cosima se leva sans l’aide de sa cousine et, saisissant un
pli de sa chemise, déclara :
    — Je ne peux pas sortir comme ça.
    Cousine Caterina se détourna et farfouilla dans ses propres
vêtements. Cosima se détendit. Tout avait été prévu, bien sûr. À cet instant la
porte s’ouvrit.
    Mère Luca se découpa dans l’embrasure. Voyant Cosima debout,
elle avança vers elle. Mais la porte se referma et mère Luca sembla tout d’abord
disparaître dans les larges manches virevoltantes de cousine Caterina, puis se plia
en deux, comme au bord de l’évanouissement, retenue d’une main ferme par la
veuve.
    — Que lui arrive-t-il ?
    Cosima s’écarta d’instinct de la religieuse que la veuve
venait d’allonger sur le flanc, yeux clos, sur le lit.
    — Est-elle souffrante ?
    — Dépêchons !
    Sa cousine venait de produire un morceau de tissu ressemblant
fort à un bas, avec lequel, à la stupéfaction de Cosima, elle bâillonna mère
Luca. Ensuite, sous les yeux effarés de la jeune fille, la nonne fut dépouillée
de son voile, de sa guimpe et de son bonnet, révélant un crâne aussi sombre et
rasé que le sien, et étonnamment vulnérable. Son cou et son menton prouvaient qu’elle
n’était plus une jeune femme, mais les traits de son visage montraient qu’elle
avait été très belle. Elle paraissait inconsciente ; sa tête tressauta
lorsque cousine Caterina la retourna pour lui ôter d’autres vêtements.
    — Mets ça.
    Cosima passa les habits qu’on lui fourrait entre les bras et,
à demi hébétée, enfila des bas encore tièdes, se retrouva momentanément plongée
dans le noir lorsqu’elle revêtit l’habit, puis noua des cordons à sa taille et
mit le scapulaire, toujours choquée de l’immobilité de mère Luca et vaguement
consciente que certaines parties du costume qu’elle

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