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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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n’allait retrouver l’Espagne que quelques années après.
    À cette époque, le second siège de Saragosse serait terminé.

    C’est en suivant le corps d’armée du maréchal Mortier que j’allais, un soir pluvieux de décembre de l’année 1809, me retrouver sous les murs de Saragosse.
    La junte avait eu le temps, en notre absence et en prévision de notre retour, de reprendre en main la résistance et de réparer les dégâts innombrables occasionnés par notre artillerie.
    C’est à un chantier pharaonique que s’attela toute la population organisée par paroisses et par métiers. Les équipes chargées du ravitaillement avaient peu à peu regarni les greniers et les caves. Dans quelques couvents, on travaillait à la fabrication des cartouches, en utilisant la couverture de plomb de certains bâtiments publics ou religieux pour fondre des balles. L’argent nécessaire à un nouveau siège serait fourni par l’hôtel des Monnaies. On ne manquerait pas de fusils, les Anglais en ayant pourvu les défenseurs.

    Après un examen de la situation, avec le concours de notre fidèle agent, Marcello Bandera, le général Lejeune arbora un optimisme de façade qui présentait quelques lézardes.
    – Barsac, me dit-il, ce siège va nous donner du fil à retordre. Non seulement Palafox est de retour, mais cesmessieurs de la junte ont loué les services d’un génie, et je mesure mes mots : l’ingénieur Antonio Sangenís y Torrés, aux talents dignes de Vauban, à ce qu’on raconte. Il faut voir le nombre et la qualité des défenses qu’il a réalisées devant les remparts. La perfection même ! Si voulez mon avis, cette ville est inexpugnable.
    Il ajouta :
    – Si un jour vous avez ce personnage dans votre ligne de mire, ne le ratez pas ! Il vaut dix mille hommes.
    – Je n’y manquerai pas, mon général, avec tout le respect que je dois au génie.
    Antonio Sangenís allait nous démontrer que, dans ce genre d’affrontement, un corps de génie peut être aussi efficace que la meilleure des armées. En quelques mois, il avait fait de Saragosse une forteresse, prévoyant avant nous les faiblesses qui auraient pu nous procurer quelque avantage, transformant en redoutes des couvents comme Santa-Engracia, qui semblait aussi imprenable que le plus puissant de nos châteaux féodaux.
    J’observai, au cours de nos inspections, que rien n’avait été négligé. Dans le sud de la ville, le couvent des Carmes avait été relié à celui des Capucins par une caponnière, une sorte de fossé couvert qui allait jusqu’au pont de la Huerva. Un double retranchement unissait cet ouvrage avec un autre couvent, Santa-Engracia. La ville avait été divisée, nous dit Bandera, en quatre zones défensives reliées entre elles par des souterrains, chacune ayant son autonomie mais étant tributaire de ses voisines en cas de danger.

    À quelques jours de Noël, le 20 décembre, je cédai à l’invitation de Lejeune de profiter d’une belle coulée de soleil pour entreprendre une promenade à cheval dans les environs. Il souhaitait accéder à une éminence pour dessiner une vue cavalière de la ville, qu’il comptait utiliser pour un tableau, s’il sortait indemne de ce siège.
    L’endroit qu’il avait choisi ne comportait aucun risque, trop proche de la ville pour y faire de mauvaises rencontres. Le temps, malgré la saison, était doux. Un silence léger comme un voile régnait sur les collines, troublé seulement par les criailleries des corbeaux dans les fonds et, de temps à autre, par les salves tirées des remparts.
    Une piste étroite mais accessible à nos montures nous mena vers un sommet crêté d’un amas de roches. J’en fis le tour avant de nous y installer, sans rien découvrir de suspect, si ce n’est un collier de braconnage qui retenait prisonnier un lapin agonisant. Je lui brisai les reins pour abréger ses souffrances, en me disant que notre repas du soir était assuré.
    Lejeune avait trouvé une position favorable pour son croquis et, son carnet sur les genoux, avait commencé à crayonner, quand un froissement dans un buisson de bruyère attira mon attention. Armé de mon pistolet, je m’apprêtais à contourner le monticule quand j’aperçus, abritée par un chêne vert, une jeune paysanne qui, à mon approche, parut prendre son vol et disparut. Je me lançai à sa poursuite en lui criant dans sa langue que nous ne lui voulions pas de mal. Elle me répondit par un hurlement

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