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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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d’Égypte, d’Allemagne, de Pologne et de sa vie de garnison à Paris, dont il gardait la poignante nostalgie.
    À peine arrivé devant Saragosse, il avait eu maille à partir avec ses commensaux, notamment Mortier et Junot. Négligeant de nous accorder la journée de repos que tous attendaient après cette longue marche, il avait exigé une revue de détail pour le lendemain. Cette rigueur inutile, malsupportée par ses pairs, allait lui retirer la confiance et le respect de la troupe.
    Il ne tolérait pas le moindre relâchement dans la tenue et la plus infime négligence dans la défense d’une position. Je l’ai vu entrer en rage pour un bouton manquant ou pour une batterie mal placée. Trouvait-il sur son chemin un soldat ivre, il l’envoyait aux arrêts.
    Il m’avait ordonné, le soir de notre arrivée, de lui trouver un autre logement que sa tente qui manquait d’espace et de confort.
    – Je ne suis pas exigeant, me dit-il, mais je tiens à disposer d’une véritable maison. Il doit bien s’en trouver une dans ces faubourgs, avec si possible un petit jardin. Vous veillerez à la réquisitionner. Exécution !
    Il ponctuait fréquemment ses ordres de cette injonction.
    Je lui trouvai, sur la berge de la rivière Huerva, au sud de la ville, la maison d’un tanneur, Gomez, qui l’avait réoccupée avec sa famille après la levée du premier siège. Elle n’avait pas souffert des combats et son jardin était entretenu avec soin. Lannes s’en montra tout d’abord satisfait. Il installa son quartier général au rez-de-chaussée avec ses commodités, le pauvre Gomez étant contraint de nicher à l’étage.
    – Cela me conviendrait parfaitement, me dit-il, si cette demeure était plus proche des premières lignes.
    J’eus l’audace de lui répondre que nous ignorions encore où ces premières lignes se situeraient. Il me foudroya du regard mais se tut. La plupart de ses officiers affichaient moins d’exigences pour leur confort. Certains préféraient leur tente, d’autres élisaient domicile dans des masures en ruine. Quant à Junot, il s’était choisi pour résidence un manoir proche de la ville, où il allait se comporter comme un satrape.

    Le mépris que Lannes professait pour le danger faillit lui coûter la vie.
    Quelques jours après son arrivée, alors que nous inspections un retranchement en compagnie de Lejeune, je l’informai que les tirs qui partaient des remparts risquaient de nous atteindre. Il me lança :
    – Taisez-vous, Barsac ! Je veux en finir au plus vite. Si vous avez peur, faites comme ceux qui nous suivent : allez vous mettre à l’abri dans la tranchée !
    Il poussa un juron lorsqu’une balle fit tomber son chapeau sans qu’il daignât rejoindre l’abri.
    – Ces gens sont de bons tireurs, Barsac, dit-il. Nous aurons à nous méfier d’eux. Nous pouvons nous retirer à présent. J’ai vu ce que je voulais voir. Il faudra relever ce parapet d’une bonne toise.
    La nouvelle de cette preuve de courage, ou d’inconscience, eut vite fait le tour de l’armée. On parlait de lui au mess, le soir, à mots couverts, pour louer sa bravoure ou blâmer sa témérité. Mon avis est qu’il se croyait protégé des projectiles par une sorte de tunique de Nessus. Ce ne serait pas un acte isolé ; il allait, tout au long du siège, faire montre du même courage et nous causer les mêmes inquiétudes.

    Situé sur une éminence, au sud de la ville, le couvent San-José, sans avoir l’allure de forteresse de Santa-Engracia, semblait nous narguer. Le général Haxo fut chargé de s’en rendre maître avec une forte colonne d’infanterie. Dans la brume du petit matin, il parvint, sans éveiller l’attention des guetteurs, à prendre position à une portée de fusil des premiers retranchements.
    Forts de cet effet de surprise, nos fantassins se lancèrent à l’attaque mais ils furent accueillis, partant de toutes les ouvertures du couvent, par un feu d’une telle intensité qu’ils durent se replier.
    Au cours de la matinée, Haxo, après avoir fait le vide à la baïonnette dans les premières défenses ennemies, lança trois compagnies de voltigeurs contre la redoute. Malgré lafusillade, ils atteignirent la porte qu’ils essayèrent d’enfoncer à la hache, comme au Moyen Âge, avant d’y renoncer, les assaillants tombant comme des mouches. Même échec lorsque des échelles furent posées contre l’enceinte.
    Ce ne fut qu’à la fin de l’après-midi

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