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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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célébraient l’entrée du marquis de Lazán dans Toulouse ! Nous apprendrons bientôt qu’il marche sur Paris…

    Nos sergents fourriers ayant écumé les environs, le manque de vivres commençait à se faire sentir. Je sus qu’ils avaient raflé trois porcs sur quatre dans l’élevage des parents de Rosa Morejon et fait main basse sur la biquette et quelques volailles du grand-père.
    Je tenais cette nouvelle de Lejeune qui, de temps à autre, rendait visite à cette fille pour laquelle il s’était pris d’un intérêt d’artiste et d’une équivoque affection d’homme. Il me confia qu’elle avait accepté, non sans réticences, qu’il fît quelques portraits d’elle au pastel. Je supputais une idylle et n’allais pas tarder à en avoir confirmation.

    Pour nous procurer des subsistances, nous étions tenus d’élargir nos prospections en risquant de mauvaises rencontres. Nous devions lancer ces opérations avec des forces importantes sans pour autant dégarnir l’armée du siège.
    C’est dans ce but que notre général en chef avait mis sur pied un corps expéditionnaire dont il confia le commandement à un brillant officier, le capitaine Pierre Wathier, ancien écuyer cavalcadour de l’Empereur, vétéran des épopées impériales. Cette petite armée comportait douze cents hommes de pied et six cents cavaliers.
    Wathier marchait en direction de Fuentes de Ebro quand, à quelques lieues de Belchite, il fut pris à partie par quelques milliers de campesinos . S’il avait quelque connaissance des guerres puniques, il a dû se souvenir que le père d’Annibal, Amilcar Barca, avait défait en ces lieux une tribu ibère.
    Ayant mis en ligne sa cavalerie, Wathier donna le signal de la charge contre cette horde qui semblait n’avoir pour chef qu’un vieux moine barbu monté sur une mule. Celui-ci gesticulait à leur tête en brandissant une croix et en chantant des psaumes. La cavalerie s’ouvrit sans peine un sillon de sang dans ce magma humain, sabrant des porteurs de vieilles arquebuses… et même d’arcs.
    En moins d’une heure l’affaire était conclue et quelques cavaliers suffirent à faire la chasse aux malheureux qui traînaillaient en vidant leurs pétoires.
    De même que pour Saragosse, l’histoire se répétait : la victoire (facile) de Wathier rappelait celle de Barca.

    Au retour de cette expédition qui nous apportait quelques chariots de vivres, un des officiers présents à cette échauffourée, le lieutenant Moreau, nous raconta une aventure qui lui était arrivée à Alcaniz.
    Il avait pénétré, avec un petit groupe de fantassins, dans la demeure extra-muros de l’alcade de cette ville : une « tour », comme on dit dans ce pays pour parler d’un château.
    – En entrant chez eux, nous dit Moreau, j’ai compris que ces gens ignoraient la crise de subsistances qui frappe la province. Ils ont évacué la table encore couverte de victuailles, et le chef de famille, un gros homme arrogant, indigné de notre intrusion, nous en a demandé la raison. Le mot de « réquisition » l’a fait sursauter. Il a protesté, disant que ses greniers et ses caves étaient presque vides et que ce qui lui restait était nécessaire à nourrir sa famille et son personnel.
    Moreau, accompagné du bonhomme et de deux officiers, n’avait trouvé dans le grenier que des sacs de pois, de haricots secs et de farine ; il en avait fait prélever une partie et avait exigé de visiter les caves.
    – Et là, mes amis, c’était la caverne d’Ali Baba ! J’ai failli fondre de plaisir devant les alignements de bocaux et la charcutaille suspendue aux voûtes, d’un bout à l’autre de cette sorte de crypte qui paraissait insondable. De quoi nourrir une armée durant une semaine.
    Je demandai à Moreau si l’on ne buvait pas de vin dans cette famille.
    – Le vin, Barsac, je l’ai trouvé dans une autre cave. Un trésor ! D’énormes futailles des meilleurs crus, un monceaude tonnelets d’alcool et de liqueurs, des bonbonnes de porto et de madère, de quoi faire se damner le vieux Noé ! Nous avons tout raflé, ou presque. Dans mon dos, j’entendais l’alcade gémir que j’allais le ruiner, que ce n’était là qu’un entrepôt pour son négoce d’épicerie en gros et de vins. « À d’autres ! » lui ai-je répondu. Ce notable s’engraissait sur le dos des pauvres. Alors que j’aurais dû le remercier je songeai à le faire passer par les armes, ce que je n’ai

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