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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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premières feuilles.
    Je n’étais pas opposé à la perspective d’un mariage. L’idée de demeurer célibataire jusqu’à la fin de mes jours s’était heurtée à ma volonté, ranimée à la vue du petit Fabrice, d’avoir des enfants. Je songeais à la sœur de Marbot, dont il m’avait parlé à Vienne, mais la démarche que j’aurais dû entreprendre pour la rencontrer m’importunait.
    Il fallait pourtant, la quarantaine approchant, que je me décide. J’avais admis l’idée de me mettre en quête d’une épouse, mais en repoussais le terme. Il ne manquait pourtant pas, en Périgord ou en Corrèze, de veuves à consoler et de cœurs à prendre, mais je redoutais les rebuffades que ne manqueraient pas de me valoir mon pilon et mes cannes.
    Et voilà qu’Héloïse se trouvait de nouveau sur mon chemin. Elle eut tôt fait de balayer mes atermoiements, si bien qu’après de nouvelles rencontres à Sarlat ou au manoir, l’idée germa, sans que nul n’y trouvât à redire, d’unir nos destins.
    Il y eut pourtant une menace de brouille. Elle avait prévu que nous passerions devant le curé en la cathédrale de Sarlat, alors que je voulais faire, en vertu de mes opinions philosophiques, un mariage civil. Je finis par imposer silence à ma conscience, de crainte d’ébranler une promesse de bonheur encore fragile. Nous avons fixé la date de la cérémonie à Pâques.

    La réorganisation de mon domaine me demandait beaucoup de temps et me donnait du souci.
    Non sans faire preuve de patience, j’étais parvenu à insuffler quelque énergie dans cette baudruche de Lavergne. Il avait regimbé, disant qu’à son âge il avait droit à la retraite.Je l’avais menacé de lui faire payer devant les tribunaux le non-respect de notre contrat et la mauvaise gérance de mes biens.
    – Je tiens, lui avais-je dit, à ce que tu vives dans ta métairie et moi au manoir, mais je veux que, chaque matin, tu viennes me faire ton rapport et prendre des ordres. À bon entendeur…
    Il me restait, pour donner une bonne assise à ma nouvelle existence, quelques notions de la vie militaire. Je crus utile, étant donné nos bons rapports, de demander conseil à M. de Beauregard, pour trouver le personnel qui me manquait. Contrairement à ce qu’avait dit cette vieille bête de Lavergne, la main-d’œuvre ne manquait pas.
    – Vous n’allez pas avoir de peine à embaucher, me dit mon voisin. Beaucoup de paysans, victimes des réquisitions, sont dans la misère et courent les routes.
    Il m’aida dans mes recherches, si bien que j’eus bientôt à mon service et à demeure une équipe de cinq ouvriers agricoles triés sur le volet.
    Profitant de quelques belles journées de février, ils travaillèrent la vigne, firent des semis d’hiver, élaguèrent les arbres fruitiers. Héloïse avait souhaité la création d’une chènevière, le chanvre étant très demandé, notamment pour les cordages de la marine. Je lui donnai satisfaction. Les cadeaux que l’on prodigue aux femmes n’ont pas toujours une valeur économique. Je voyais dans ce geste un présage favorable à une bonne entente.

    Le soir venu, à bout de forces, des douleurs grignotant mon moignon, je m’allongeais dans mon fauteuil d’osier sur la terrasse et fumais une dernière pipe en écoutant les murmures autour de moi. J’avais l’impression que la terre me parlait, que le friselis des insectes fouisseurs, les premiers chants des grillons, le bruit de succion venant de la terre remuée du verger et celui, aussi discret, des sèves quiretrouvaient leur chemin dans le corps des arbres témoignaient d’une forme de reconnaissance à mon égard.

    Les abondantes pluies de mars ayant freiné les travaux durant quelques jours, j’en avais profité pour travailler à mes mémoires de guerre.
    Je me retirais dans ma chambre où j’avais installé ma petite bibliothèque et mon bureau, sur une table bancale et devant un fatras, d’apparence inextricable, fait de calepins, de feuilles de service et de tout ce qui m’était tombé sous la main dans l’urgence, tant j’étais soucieux de restituer l’émotion spontanée.
    Il me fallut plusieurs journées pour classer ces documents dans un ordre chronologique qui laissait apparaître imprécisions et lacunes, l’essentiel, me dis-je, étant d’éviter les faits et les détails erronés ou superflus qui me vaudraient, si cet ouvrage devait voir le jour, la critique des historiens amateurs ou

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