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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ailleurs ou consentir au partage. Cela me contrariait assez, mais c’était à prendre ou à laisser. Je me résignai. Le favori fut moins accommodant que moi. J’en porte la preuve à cette jambe. » Mais il s’en veut aussitôt de cette confidence. Il a déjà fini de souper. Le temps passé à table lui a toujours semblé perdu. Il oblige les autres convives à quitter la pièce, et il reste enfin en tête à tête avec Joséphine. Le chien grogne.
     
    Un jour et demi avec elle. Une seule nuit. Les galops des chevaux. La canonnade lointaine. Les troupes de Wurmser avancent. Des uhlans sont signalés aux portes de Brescia. Joséphine pleure. Elle a peur. Qu’elle regagne Milan, avec une escorte commandée par Junot.
    — Adieu, belle et bonne, toute non pareille, toute divine. Wurmser paiera cher les larmes qu’il te fait verser, dit Napoléon.
    Il bat Wurmser à Vastiglina le 5 août, et le 7, après avoir repris Vérone, Mantoue est à nouveau assiégée.
    J’avais décidé seul. La victoire est à moi .
    Mais pour combien de temps ? Wurmser reconstitue ses forces, reçoit de nouvelles troupes. Davidovitch remplace Quasdonovitch. À chaque instant, tout peut être remis en cause. Cette incertitude du futur lui est insupportable. Elle l’épuise.
    Junot a demandé à être reçu. Il raconte comment, sur la route du retour, un parti de uhlans a attaqué la voiture de Joséphine de Beauharnais. Il a fallu se battre. Deux chevaux ont été tués et les roues de la voiture ont été brisées par un boulet. Joséphine a dû emprunter un carricolo de paysan et se réfugier à Peschiera avant de regagner Milan.
    Il faut cacher son angoisse, féliciter Junot. Accepter que Joséphine reste à Milan, reçoive fastueusement dans le palais Serbelloni en aristocrate royaliste qu’elle demeure, entourée d’hommes empressés.
    Puis-je tolérer cela ?
    Napoléon s’emporte. Qu’on renvoie le capitaine Charles, qu’on le chasse de l’armée d’Italie. Napoléon interroge Junot, est-il vrai que Joséphine, comme on le lui a rapporté, a été se promener plusieurs jours au bord du lac de Côme avec Charles ? Junot se tait. Junot sait. Ils savent tous.
    Faut-il reconnaître que je suis un époux malheureux et trompé ?
    « Tu es une méchante et une laide, écrit-il à Joséphine, bien laide, autant que tu es légère. Cela est perfide, tromper un pauvre mari, un tendre amant. Doit-il perdre ses droits parce qu’il est loin, chargé de besogne, de fatigue et de peine ? »
    Mais à quoi bon supplier, redire : « Sans sa Joséphine, sans l’assurance de son amour, que lui reste-t-il sur la terre, qu’y ferait-il ? »
    Écoutera-t-elle ?
    Alors il parle de la guerre :
    « Nous avons eu hier une affaire très sanglante, l’ennemi a perdu beaucoup de monde et a été complètement battu. Nous lui avons pris le faubourg de Mantoue. »
    Mais qu’est-ce, pour elle, que la guerre ? Et pourquoi comprendrait-elle ce que représentent ces nouvelles victoires ? Ces choix accomplis seul et cette joie qu’on ne peut faire partager quand l’ennemi tombe dans le piège ? Davidovitch, écrasé à Roveredo le 4 septembre parce qu’on a fondu sur lui en masse. Puis on s’est retourné contre Wurmser, battu le 7 septembre à Primolano ; et le 8 à Bassano. Et il n’est resté à Wurmser que le choix de s’enfermer dans Mantoue, impuissant.
    Joséphine imagine-t-elle ce que j’exige des soldats ?
    En six jours, ils ont marché en combattant, cent quatre-vingts kilomètres. Et en quinze jours la deuxième offensive de Wurmser a été brisée. Qui conduira la prochaine ?
    Cette besogne-là, la guerre, elle est insatiable, elle me dévore. Il faudrait l’amour de ma femme pour me défendre de cette carnivore .
    « Mais tes lettres, Joséphine, sont froides comme cinquante ans, elles ressemblent à quinze ans de mariage. On y voit l’amitié et les sentiments de cet hiver de la vie. C’est bien méchant, bien mauvais, bien traître à vous. Que vous reste-t-il pour me rendre bien à plaindre ? Ne plus m’aimer ? Eh, c’est déjà fait. Me haïr ? Eh bien, je le souhaite ; tout avilit hors la haine ; mais l’indifférence, au pouls de marbre, à l’oeil fixe, à la démarche monotone… »
    Donc la guerre aussi contre elle.
    « Je ne t’aime plus du tout, au contraire, je te déteste. Tu es une vilaine, bien gauche, bien bête, bien cendrillon… Que faites-vous donc toute la journée,

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