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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’Este, frère du duc de Modène, demande à être reçu. Saliceti, tortueux et tentateur, s’approche, murmure que l’envoyé de Modène transporte quatre millions en or dans quatre caisses.
    — Je suis de votre pays, dit Saliceti. Je connais vos affaires de famille. Le Directoire ne reconnaîtra jamais vos services. Ce qu’on vous offre est bien à vous, acceptez-le sans scrupule et sans publicité ; la contribution du duc en sera diminuée d’autant, et il sera bien aise d’avoir acquis un protecteur.
    — Je veux demeurer libre, dit Napoléon.
    Un représentant du gouvernement de Venise offre peu après sept millions en or.
    D’un geste, Napoléon renvoie le financier.
    Que sont ces sommes qu’on lui propose, alors qu’il sent monter en lui des désirs et des ambitions immenses ? Il ne veut pas de ces petits pourboires de la puissance. Il veut la puissance. Il veut se servir de la politique et de la diplomatie pour d’autres desseins que de remplir sa cassette personnelle. De toute manière, elle sera pleine s’il réussit. Quoi ? Lorsqu’il cherche à savoir ce qu’il désire, il ne réussit jamais à le définir. Il veut grand, il veut plus. Il ne conçoit pas qu’il y ait des limites. Et il commence, maintenant qu’il a côtoyé beaucoup d’hommes qui comptent dans ces riches petits États, duc, comtes, princes, à penser que personne ne peut le contraindre, parce qu’il se sent plus fort que tous ceux qu’il a rencontrés. N’a-t-il pas battu les généraux autrichiens ?
    Il écrit sur un ton de commandement à l’empereur d’Autriche.
    « Majesté, l’Europe veut la paix. Cette guerre désastreuse dure depuis trop longtemps.
    « J’ai l’honneur de prévenir Votre Majesté que, si elle n’envoie pas des plénipotentiaires à Paris pour entamer les négociations de paix, le Directoire exécutif m’ordonne de combler le port de Trieste et de ruiner tous les établissements de Votre Majesté sur l’Adriatique. Jusqu’ici, j’ai été retenu dans l’exécution de ce plan par l’espérance de ne pas accroître le nombre des victimes innocentes de cette guerre.
    « Je désire que Votre Majesté soit sensible aux malheurs qui menacent ses sujets, et rende le repos et la tranquillité au monde.
    « Je suis, avec respect, de Votre Majesté,
    « Bonaparte. »
    La signature claque comme un défi, au bas de ce qui est, il le sait, un véritable ultimatum.
    Au souvenir de ce texte, dans les grandes salles glacées du palais des Scaliger à Vérone, Napoléon est saisi par une anxiété qu’il ne peut maîtriser. Sur les murs, les armoiries de Scaliger reproduisent l’emblème de la famille médiévale : une échelle. Lui, le petit Corse, n’a-t-il pas voulu monter trop haut ? Les troupes d’Alvinczy approchent, trois fois plus nombreuses que les siennes. Des milliers d’hommes sont dans les hôpitaux, épuisés, blessés, après des mois de marches et de combats ininterrompus. Lors des premiers affrontements qui ont eu lieu contre Alvinczy, les 6 et 11 novembre, à Caldero, près de Vérone, il a fallu reculer.
    Napoléon a été battu. Il n’a pas baissé la tête malgré la douleur insupportable de l’échec. Il a marché aux côtés des soldats dans la terre boueuse. Demain, il se battra encore. Il vaincra. Car, il le pressent, si la vague noire de la défaite, une nouvelle fois, submerge l’armée d’Italie, alors toutes les faiblesses, les fatigues accumulées, les jalousies, les rancoeurs noieront les hommes, et lui, leur général en chef, le premier.
    Il écrit au Directoire.
    « Je vous prie de me faire passer au plus tôt des fusils, vous n’avez pas idée de la consommation qu’en font nos gens… »
    Il faut que le Directoire connaisse la situation.
    « L’infériorité de l’armée et l’épuisement où elle est des hommes les plus braves me font tout craindre. »
    Comment la nourrir ?
    « Les Allemands, en s’en allant, ont commis toutes espèces d’horreurs, coupé les arbres fruitiers, brûlé les maisons et pillé les villages… »
    Il est le général en chef. Mais au-dessus de lui les Directeurs doivent prendre leurs responsabilités comme il accepte les siennes :
    « Les destinées de l’Italie et de l’Europe se décident ici, en ce moment. Tout l’Empire a été en mouvement et l’est encore… Peu de jours où il n’arrive cinq mille hommes ; et depuis deux mois, il est évident qu’il faut des secours ici… Je fais

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