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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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autorité… »
    Napoléon relit le texte à plusieurs reprises dans la journée. Il a tant de fois rêvé à l’Égypte, il y a des années, en Corse, lorsqu’il écoutait Volney lui parler de ses voyages le long du Nil, et il y a songé encore il y a quelques semaines seulement, à Passariano, que ce mémoire lui semble familier.
    Lorsque, dans la soirée, Bourrienne arrive, Napoléon l’entraîne aussitôt dans le petit salon, loin de Joséphine.
    — Je ne veux pas rester ici, dit-il d’une voix nerveuse. Il n’y a rien à faire. Les Directeurs ne veulent entendre rien. Je vois que si je reste, je suis coulé dans peu. Tout s’use ici, je n’ai déjà plus de gloire, cette petite Europe n’en fournit pas assez. Il faut aller en Orient, toutes les grandes gloires viennent de là. Cependant, je veux auparavant faire une tournée sur les côtes pour m’assurer par moi-même de ce que l’on peut entreprendre. Je vous emmènerai, vous, Lannes et Sukowsky. Si la réussite d’une descente en Angleterre me paraît douteuse, comme je le crains, l’armée d’Angleterre deviendra l’armée d’Orient et je vais en Égypte.

30.
    Napoléon est au bout de la jetée du port d’Anvers. Il bruine et il fait froid. Voilà plus d’une semaine qu’il va de port en port, d’Étaples à Boulogne et Calais, de Dunkerque à Ostende. Il veut être ce soir à Bruxelles, puis repartir en voiture de poste par Givet, Lille et Saint-Quentin, et rejoindre Paris vers le 20 février 1798.
    Il suit des yeux le mouvement de retrait de la mer. Tout est gris, le ciel, l’horizon, les vagues, le sable, les blocs de la jetée. Tout cela lui est étranger. Ce ne sont ni ses couleurs, ni ses récifs, ni sa mer. Mais là n’est pas le plus important. Rien ne le satisfait dans ce qu’il a vu. Comment envahir l’Angleterre avec ces quelques navires, ces barques souvent, alors qu’il en faudrait des centaines ?
    Il s’approche d’un groupe de marins. Il regarde ces hommes dont il ne comprend pas la langue. Mais à Boulogne et Dunkerque, il a parfaitement saisi ce que d’autres marins lui ont dit. Les navires anglais patrouillent le long des côtes. Ils sont nombreux, frégates, avisos, bricks. Certains ont plus de quarante canons.
    Ces marins ont parlé librement à ce petit général qui s’est présenté à eux sous le nom du général Lasne.
    Napoléon regarde une dernière fois l’horizon. C’est assez. Il remonte en voiture. Bourrienne l’interroge. Le général est-il satisfait de ce qu’il a vu ? Et Bourrienne ajoute que les forces navales mises à la disposition de l’armée d’Angleterre lui paraissent tout à fait insuffisantes.
    Que croit-il ? Que je n’ai pas vu cela ?
    — C’est un coup de dés trop chanceux, répond Napoléon d’un ton vif et irrité. Je ne veux pas jouer ainsi le sort de cette belle France.
    Le soir, à Bruxelles, au théâtre, il est reconnu, mais son air sombre écarte les importuns.
    Sur la route de Paris, il demeure tout aussi grave.
    Il faut donc renoncer à l’invasion de l’Angleterre et quitter la France, s’engager dans cette aventure égyptienne à laquelle il rêve mais dont les périls et les incertitudes sont immenses. Mais quel choix lui laisse-t-on ?
    Il se tourne vers Bourrienne :
    — Il n’y a rien à faire avec ces gens-là, dit-il. Les Directeurs ne comprennent rien de ce qui est grand. Ils n’ont aucune puissance d’exécution. Il nous faudrait une flottille pour l’expédition, et déjà les Anglais ont plus de bateaux que nous. Les préparatifs indispensables pour réussir sont au-dessus de nos forces. Il faut en revenir à nos projets sur l’Orient, c’est là qu’il y a de grands résultats à obtenir.
    Il s’enferme à nouveau dans le silence.
    Il en veut à Barras, à ce jouisseur et à ce lâche qui a refusé de l’aider à entrer dans le cercle ultime du pouvoir. C’est pour cela qu’il est contraint de choisir l’Égypte. Car il ne peut rester à Paris, y attendre que sa gloire pourrisse.
     
    Alors l’Orient, l’Égypte.
    Quand une décision est prise, il faut l’exécuter pleinement.
    Il rencontre les Directeurs, Talleyrand, qui vient de rédiger un rapport sur l’expédition envisagée. Mais commander, c’est ne remettre à personne le soin d’organiser.
    Il dicte des courriers à Berthier. Il faut que les troupes fidèles de l’armée d’Italie se rendent à Gênes, soient prêtes à embarquer. Il demande à être reçu

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