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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rejoindre Ibrahim Bey, qui s’est enfui vers la Syrie et que l’on poursuit depuis une dizaine de jours ? Ils n’ont pas le temps de répondre. Des courriers arrivent, haletants. Le 1 er  août, expliquent-ils, la flotte de Nelson a détruit dans la baie d’Aboukir la flotte de l’amiral Brueys. Seuls quelques navires ont pu échapper au désastre. La mer rejette encore des cadavres de marins. L’ Orient a explosé et le bruit et la secousse ont été entendus jusqu’à Alexandrie. Brueys est mort.
    Un silence accablé s’installe. « Nous sommes prisonniers », lance à haute voix un officier.
    Napoléon se dresse. Il dit d’une voix forte : « Brueys a péri, il a bien fait. »
    Puis il se met à marcher sous la tente devant les officiers sans les quitter des yeux.
    — Eh bien, Messieurs, reprend-il d’un ton résolu, nous voilà dans l’obligation de faire de grandes choses !
    Il s’approche d’eux.
    — Nous les ferons ! De fonder un empire. Nous le fonderons. Des mers dont nous ne sommes pas maîtres nous séparent de la patrie, mais aucune mer ne nous sépare ni de l’Afrique, ni de l’Asie.
    Il les dévisage. La plupart baissent les yeux.
    — Nous sommes nombreux, nous ne manquerons pas d’hommes pour recruter nos cadres. Nous ne manquerons pas de munitions de guerre, nous en aurons beaucoup : au besoin, nous en fabriquerons.
    Les officiers rient nerveusement alors qu’il sort de la tente et regarde au loin.

33.
    Il rentre au Caire.
    Lorsqu’il paraît, ce 14 août 1798, dans la grande salle de réception de son palais de la place Ezbekieh, le silence s’établit aussitôt. On n’entend que le bruit de l’eau de la fontaine monumentale qui occupe le centre de la pièce.
    Il devine les questions qui sont sur toutes les lèvres, celles des officiers, ou celles des beys et des ulémas. Les visages de ces derniers sont impassibles et pourtant il lit dans leurs yeux la jubilation. Le désastre d’Aboukir est connu de tous.
    On le guette. Il s’assied. Il faut qu’il se montre serein. Il fait un signe.
    Ses domestiques s’affairent autour des sept cafetières qui sont sur le feu. Il offre le café et le sucre. Il s’enquiert de la fête du Nil qui doit être célébrée le lendemain 15 août, de celle qui doit marquer l’anniversaire de la naissance de Mahomet. Savent-ils qu’il est né un même jour, il y a vingt-neuf ans ?
    Il dit, cependant que les notables musulmans boivent lentement leur café en l’observant : « J’espère établir un régime fondé sur les principes de l’Alcoran, qui sont les seuls vrais et qui peuvent faire le bonheur des hommes. »
    Il se lève. L’entretien est terminé. Il raccompagne ses visiteurs jusqu’aux vastes escaliers de marbre, d’albâtre et de granit d’Assouan.
    Berthier et Bourrienne sont restés dans la pièce. Ils n’osent parler. Ils le suivent alors qu’il parcourt les salles du palais dont le propriétaire, Mohammed Bey et Elfi, s’est enfui en Haute-Égypte. Ce palais est le seul du Caire qui comporte des vitres aux fenêtres et une salle de bains à chaque étage.
    Napoléon s’arrête.
    Même ses officiers les plus proches ne le comprennent pas. Qu’imaginent-ils ? Qu’il s’est converti à l’islam ? Lorsqu’il a voulu recevoir les membres du divan habillé en Turc avec une tunique à l’orientale et un turban, Bourrienne et Tallien, qui vient d’arriver en Égypte, se sont récriés. Et il a cédé, remis sa redingote noire serrée jusqu’au cou. Il fallait choisir entre désorienter ses soldats et peut-être séduire les Égyptiens. Les esprits ne lui ont pas paru prêts. Mais il ne veut pas renoncer. Il envisage de créer des unités de militaires dans lesquelles serviront des Noirs achetés en Haute-Égypte, des Bédouins, des anciens serviteurs des Mamelouks. Cette armée serait ainsi à l’image du pays, de l’empire qu’il rêve encore de constituer. Et il réglerait le problème des effectifs, alors que l’armée actuelle s’amenuise, que les malades s’entassent dans les hôpitaux et que la peste frappe les villes côtières.
    Il faut avoir l’oeil à tout. Il interroge Berthier. A-t-on, comme il l’a demandé, imposé aux hommes une baignade quotidienne, le nettoyage des uniformes ? Où en est l’impression du Courrier d’Égypte , ce premier journal qui doit précisément informer l’armée ?
    Il regarde Berthier. Il apprécie cet homme efficace, attentif. Il l’estime

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