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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pour la passion qu’il nourrit à l’égard d’une Milanaise, Mme Visconti, laissée en Italie. Berthier veut qu’on lui en parle.
    — Je comprends cette passion mais non cette adoration, murmure Napoléon.
    Berthier baisse la tête. Il a demandé à rentrer en Europe. Il n’a pas caché ses raisons. Mais il sait que la flotte est détruite.
    — Sur une frégate, ajoute Napoléon, bientôt vous la rejoindrez.
    Puis il prend Berthier et Bourrienne à témoin, accuse l’amiral Brueys, imprévoyant, l’amiral Villeneuve, qui n’a pas combattu, a fui la rade, selon tous les récits.
    — L’empire de la mer est à nos rivaux, dit-il. Mais si grand que soit ce revers, il ne peut être attribué à l’inconstance de la Fortune ; elle ne nous abandonne pas encore, bien loin de là, elle nous a servis dans cette opération, au-delà de ce qu’elle a jamais fait.
    Il voit l’étonnement de Bourrienne et de Berthier.
    — Il ne nous reste plus qu’à organiser notre conquête, explique-t-il.
    » Ce que j’aime dans Alexandre, poursuit-il, ce ne sont pas ses campagnes mais ses moyens politiques. C’est d’un grand politique que d’avoir été à Ammon pour régner sur l’Égypte.
    Berthier et Bourrienne comprennent-ils ?
    — Mon projet, ajoute Napoléon, est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l’être. C’est là, je crois, la manière de reconnaître la souveraineté du peuple. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le temple de Salomon…
    Il s’interrompt. Le 18 août, il assistera à la fête du Nil, puis, quelques jours après, à celle donnée à la gloire de Mahomet, et le 21 septembre, on célébrera la fête de la République et, plus tard, le souvenir du 13 Vendémiaire, le 4 octobre. Il faut, ces jours-là, que les corps de musique, les généraux en grand uniforme, les troupes soient rassemblés.
    Berthier et Bourrienne s’éloignent.
    Demain 15 août 1798, j’ai vingt-neuf ans .
     
    À six heures du matin, le 18 août, alors que le soleil brûle déjà, Napoléon se tient quelques pas en avant du groupe des généraux et des notables cairotes qui se rendent au Megyas .
    C’est là qu’on va rompre la digue qui permettra aux flots du Nil d’envahir une partie de la campagne entourant la ville en s’engouffrant dans le canal. Les musiques jouent, on tire des salves. L’eau déferle enfin.
    Napoléon regarde ce torrent et cette foule. Il commence à jeter des pièces de monnaie. On se bat pour les ramasser, on le suit quand il retourne vers son palais de la place Ezbekieh.
    Le 21 août, la ville est à nouveau en fête pour l’anniversaire de la naissance du Prophète. Napoléon préside aux défilés militaires. Il faut qu’on voie la force. Il s’assied au milieu des ulémas pour le grand banquet. Il déteste cette viande de mouton trop grasse, ces plats trop épicés. Mais il plonge ses doigts dans la sauce, il saisit les morceaux de viande, comme les autres convives.
    Le général Dupuy, qui commande la place du Caire, se penche vers Napoléon.
    — Nous trompons les Égyptiens, dit-il, par notre simulé attachement à leur religion, à laquelle nous ne croyons pas plus qu’à celle du pape.
    Pourquoi lui répondre ? Combien d’hommes acceptent de vivre sans religion ? Et pourrait-on gouverner un peuple qui ne reconnaîtrait pas le pouvoir d’un Dieu ? Et qui ne craindrait pas le châtiment divin ? Ou celui des armes ?
     
    Napoléon veut donc que, le 21 septembre, des forces militaires encore plus nombreuses participent à la fête de la République. Il fait construire sur la place Ezbekieh un grand cirque au centre duquel est dressé un obélisque en bois qui porte le nom des soldats tombés pendant la conquête. Un temple entoure le monument. Il porte sur son frontispice, tracée en grandes lettres d’or, l’inscription : Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète . Les drapeaux tricolores sont hissés en même temps que les couleurs turques, le bonnet phrygien et le croissant.
    Il faut, pour gouverner, unir les forces, les hommes, les idées, et tenir tout cela serré dans une poigne de fer.
    Cette pensée a dû être celle de tous les conquérants, de tous les empereurs, de de tous ceux qui ont voulu imposer leur marque dans l’histoire des peuples.
    Il est de ceux-là. Il en est sûr maintenant, en voyant ces soldats qui défilent sur la piste du cirque, puis ces cavaliers qui s’élancent pour une

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