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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voir l’amiral, dit Napoléon à Maitland. Qu’il ne s’embarrasse pas de cérémonial. Je me contenterai d’être traité en particulier, en attendant que le gouvernement britannique ait fixé la manière dont je dois être considéré.
    Mais le capitaine Maitland ne répond pas. Et le jeune médecin irlandais du bord, Barry O’Meara, qui parle italien, qui est si prévenant, n’ose même plus me regarder .
    Enfin, le vendredi 28 juillet, voici lord Keith. À Waterloo, j’ai sauvé de la mort son neveu, blessé et que j’ai fait mettre à l’abri et soigner par mes chirurgiens. La colère m’étouffe à le voir silencieux, raide, n’acceptant d’échanger que quelques mots sur le siège de Toulon ou la campagne d’Égypte et refusant de donner d’autres indications. Ce n’est pas du passé qu’il s’agit, mais de mon futur .
    — Je ne suis plus rien, martèle Napoléon. Je ne peux plus déranger personne. Ne puis-je vivre en Angleterre ?
    Lord Keith ne répond rien. Et il faut attendre. Il faut subir la colère et la folie de Mme la générale Bertrand qui tente de se jeter par-dessus bord, parce qu’elle veut débarquer en Angleterre et qu’elle se dit persuadée que l’Empereur va être déporté à Sainte-Hélène.
    Il a envie de mourir.
     
    Il marche sous la pluie. Le pont est glissant. L’horizon n’est qu’un rideau gris. Il imagine Sainte-Hélène. Maintes fois, dans sa vie d’avant, il a évoqué ce nom. Il voulait s’emparer de cet îlot qui sert d’escale aux navires de la Compagnie des Indes. Que ferait-il sur ce bloc de basalte vert foncé ? Sous ce climat équatorial ? C’est sa mort certaine. Autant mourir ici.
     
    À dix heures trente, le lundi 31 juillet 1815, lord Keith accompagné du sous-secrétaire d’État Bunbery montent à bord.
    Les voilà ! Keith tient une lettre à la main. Qu’il la traduise en la lisant. Cette voix calme entre en moi comme une lame. Prisonnier de guerre, Sainte-Hélène ? Peu importent les autres mots .
    Il prend la lettre des mains de lord Keith, la jette sur la table, puis il se calme aussitôt, regarde l’amiral anglais avec mépris.
    Le gouvernement britannique n’a pas le droit de disposer de sa personne. Il en appelle au peuple britannique et aux lois de ce pays. Maitland l’a trompé. L’amiral Hotham lui a menti. « S’il m’avait dit que je serais prisonnier de guerre, je ne serais pas venu. »
    — Quant à l’île de Sainte-Hélène, c’est l’arrêt de ma mort ! Que pourrai-je faire sur ce petit rocher à l’autre bout du monde ? J’aime mieux la mort que Sainte-Hélène, et à quoi vous servirait ma mort ?
    Qu’on le transporte au bagne de Botany Bay, en Australie, cela conviendrait mieux !
    Il se tourne vers la table, pose un doigt sur le document qu’il a pris à lord Keith.
    — Et puis, dit-il, votre gouvernement n’a aucun droit à m’appeler le général Bonaparte. Je suis Premier Consul et, si l’on me reçoit, ce doit être en cette qualité. Quand j’étais à l’île d’Elbe, j’étais tout aussi souverain que sur le trône de France. J’étais souverain comme le roi l’était en France. Nous avions chacun notre drapeau. Nous avions chacun nos navires, nos troupes. Bien sûr – il rit –, mes forces étaient à l’échelle réduite. J’avais six cents soldats et il en avait deux cent mille ; enfin je lui ai fait la guerre ; je l’ai battu, je l’ai chassé du pays, je l’ai détrôné. Il n’y a rien qui puisse dans tout cela changer ma position, ou me priver de mon rang parmi les souverains d’Europe.
    Il dévisage Keith. Il va écrire une protestation au gouvernement britannique.
    Il commence à dicter à Las Cases.
    « Je proteste solennellement ici, à la face du ciel et des hommes, contre la violation de mes droits les plus sacrés, en disposant par la force de ma personne et de ma liberté. Je suis venu librement à bord du Bellerophon  : je ne suis pas prisonnier, je suis l’hôte de l’Angleterre. Aussitôt à bord du Bellerophon , je fus sur le foyer du peuple britannique. J’en appelle à l’Histoire : elle dira qu’un ennemi qui fit vingt ans la guerre au peuple anglais vint librement dans son infortune chercher un asile sous ses lois, et quelle plus éclatante preuve pouvait-il donner de son estime, de sa confiance ? Mais comment répondit l’Angleterre à une telle magnanimité ? Elle feignit de tendre une main hospitalière à cet ennemi et,

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