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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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quand il se fut livré de bonne foi, elle l’immola ! »
     
    C’est le jeudi 4 août 1815. Le Bellerophon appareille, sort lentement de la rade de Plymouth.
    Napoléon est couché dans sa cabine.
    Ils vont opérer mon transbordement sur le Northumberland, au large, loin des embarcations chargées de curieux, loin du peuple britannique, des libéraux, dont certains ont tenté de me faire citer comme témoin à la barre d’un tribunal pour retarder ma déportation .
    Faudrait-il mourir ?
    Il appelle Marchand, il tend au premier valet de chambre les Vies des hommes illustres . Il est ouvert à « La Vie de Caton ».
    — Lis.
    Il tire le rideau.
    Il peut du bout des doigts saisir facilement le flacon rouge attaché à son gilet. Peut-être ce poison aurait-il plus d’effet que celui pris à Fontainebleau ? Il aurait une fin digne de Plutarque.
    Il hésite, s’assied sur le lit. Il revoit sa vie.
    « L’infortune seule manque à ma renommée. J’ai porté la couronne impériale de la France, la couronne de fer d’Italie. Et maintenant, l’Angleterre m’en donne une autre, plus grande encore et plus glorieuse, celle portée par le Sauveur du Monde, une couronne d’épines. »
    Si je l’accepte, jusqu’où ne m’élèverai-je pas dans l’esprit des hommes ? Qui pourra m’oublier ?
     
    Il remonte sur le pont. Il aperçoit au loin la silhouette du Northumberland . Il suffirait d’un geste pourtant pour arrêter cette seconde vie, ici, et ce serait aussi une fin si forte que tous en seraient frappés.
    Ce n’est pas la mort qu’il craint. Mais une curiosité le retient. Qu’y a-t-il au bout de ce long voyage en mer ? Que sera la vie sur ce volcan éteint ? Il y a du mystère dans cet avenir. Il y a un défi aussi. Imposer dans le dénuement son souvenir, l’image de sa vie. Quel destin que celui qui commence en César et finit en martyr et en prophète !
    Il s’interroge.
    Il dit à Las Cases :
    — Est-il sûr après tout que j’aille à Sainte-Hélène ? Un homme est-il donc dépendant de son semblable quand il veut cesser de l’être ?
    Il marche lentement. Il est calme. Il surprend le regard étonné du capitaine Maitland, qui l’imaginait sans doute prostré.
    — J’ai parfois envie de vous quitter, reprend-il, et cela n’est pas bien difficile. Il ne s’agit que de se monter un tant soit peu la tête, et je vous aurai bientôt échappé, tout sera fini et vous irez rejoindre vos familles.
    Qu’est devenu mon fils ? Pour lui aussi, léguer la mémoire de ma vie. Ne pas la laisser entre les mains de mes ennemis .
    — D’autant, continue-t-il, que mes principes intérieurs ne me gênent nullement, je suis de ceux qui croient que les peines de l’autre monde n’ont été imaginées que comme suppléments aux attraits insuffisants qu’on nous y présente. Dieu ne saurait avoir voulu un tel contrepoint à Sa bonté infinie, surtout pour des actes tels que celui-ci. Et qu’est-ce après tout ? Vouloir revenir un peu plus vite.
     
    Il écoute les arguments de Las Cases.
    — Mais que pourrons-nous faire dans ce lieu perdu ?
    — Sire, nous vivrons du passé ; il y a de quoi vous satisfaire. Ne jouissons-nous pas de la vie de César, de celle d’Alexandre ? Nous posséderons mieux, vous vous relirez, Sire.
    Il regarde l’horizon. Tout se joue dans l’esprit. Les idées décident de tout.
    — Eh bien, nous écrirons nos Mémoires, dit-il.
    Il s’éloigne jusqu’au bastingage, revient.
    — Oui, il faudra travailler ; le travail aussi est la faux du temps. Après tout, on doit remplir ses destinées ; c’est aussi ma grande doctrine. Eh bien, que les miennes s’accomplissent !
     
    Il dresse la liste de ceux qui vont l’accompagner : les Montholon, les Bertrand, Las Cases et son fils. Voilà quelle sera ma « Cour » . Il y aura douze domestiques, dont Marchand, le mameluk Saint-Denis, dit Ali, Cipriani. Et le docteur irlandais Barry O’Meara.
    Mais il faut encore protester, auprès de lord Keith, auprès du contre-amiral sir George Cockburn, qui a été lui aussi au siège de Toulon, qui commande le Northumberland et va gouverner Sainte-Hélène.
    — Je ne quitte pas ce bâtiment, le Bellerophon , et l’Angleterre de plein gré, c’est vous, amiral, qui m’entraînez.
    Mais je me rendrai à bord du Northumberland. Ma décision est prise. On n’aura pas à m’y traîner de force .
    — Oh, vous n’aurez qu’à me donner un ordre, dit-il

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