[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
des constitutions faites ou à faire par l’Empereur mon époux, dans l’exercice de l’autorité qu’il lui plairait de me confier pendant son absence.
Pourrait-elle résister vraiment à ceux, moi battu, qui chercheraient à sauver leurs pouvoirs en me trahissant ?
Il n’a aucune illusion. Il dévisage ces dignitaires. Combien, parmi ceux-là, si obséquieux, qui baissent les yeux, lui resteraient fidèles, au point d’accepter que l’Impératrice et le roi de Rome gouvernent ?
Mais peut-être, grâce à cette désignation, l’Autriche n’entrera-t-elle pas dans la coalition, ou hésitera-t-elle à le faire, et lui laissera-t-elle ainsi le temps de vaincre ?
Il insiste pour que Marie-Louise écrive à son père. Il veille sur cette correspondance. « L’Empereur me charge de vous dire de jolies choses de sa part… L’Empereur se montre très affectueux pour vous », lui fait-il écrire.
Et Marie-Louise, avec une naïveté qui le touche, s’exécute.
« Il ne se passe de jour, ajoute-t-elle pour son père, où il ne me dise combien il vous aime… L’Empereur me dit de vous assurer de toute son amitié, et aussi de vous écrire souvent. Vous êtes bien sûr, mon cher papa, que je ne me laisserai pas dire cela deux fois ! »
Ce serait une « monstruosité » que de voir François I er déclarer la guerre à l’Empire que régente sa fille !
Mais combien de temps ce « bon papa François » résistera-t-il à la tempête qui le pousse ?
Napoléon lit les dépêches, les rapports des agents français. L’Allemagne se soulève. Les troupes russes de Wittgenstein ont été accueillies à Berlin pour une foule en délire. Les professeurs, dans toutes les universités, ont suspendu leurs leçons. « Les cours reprendront, dans notre patrie libre, a dit le philosophe Fichte, ou bien nous serons morts pour reconquérir la liberté. »
Il se souvient de ce jeune homme, Staps, qui voulait le poignarder à Schönbrunn et dont la haine, le fanatisme fou l’avaient surpris. Il connaît les souverains.
La plupart sont lâches. Ils suivront et utiliseront les passions des foules. Et, si je ne peux vaincre leurs armées, ils se rallieront tous contre moi. Comme Bernadotte, et cette bête de Murat qui essaie maladroitement d’obtenir l’appui de Vienne ! Alors que les Autrichiens mettent sur pied deux armées, l’une en Italie, l’une en Allemagne, pour m’attaquer si le moment est favorable .
Combien de fois déjà n’ai-je pas dû ainsi battre leurs archiducs ? Me faudrait-il recommencer ?
Il reçoit le prince Schwarzenberg, redevenu ambassadeur à Paris. Ce mardi 13 avril, le parc de Saint-Cloud bruisse du printemps revenu. Les fenêtres du grand salon de réception sont ouvertes.
Napoléon entraîne Schwarzenberg vers une croisée. Il évoque les succès obtenus par le prince et son corps de troupes durant la campagne de Russie. Il ne dit rien de l’armistice conclu avec les Russes.
Le prince écoute, paraît gêné. Il n’ose répondre aux questions.
L’empereur François I er accepterait-il, pour renforcer notre alliance, demande Napoléon, que je lui cède les provinces illyriennes ? L’Autriche atteindrait ainsi à nouveau aux rives de l’Adriatique.
Schwarzenberg continue de se taire, comme s’il craignait de me blesser en me transmettant les propos de Metternich, qui veut s’imposer en médiateur armé…
Que faire d’autre que paraître ignorer cela, qu’appeler le prince Schwarzenberg « mon cher ami », que le prendre par le bras, le raccompagner dans les longues galeries du château de Saint-Cloud ? Et se déclarer enchanté de cet entretien de près de quatre heures où rien n’a été tranché !
Il regarde le prince Schwarzenberg s’éloigner.
Peut-être s’est-il montré trop conciliant avec lui ?
Peut-être Schwarzenberg a-t-il imaginé que je craignais la guerre ?
Je ne crains que l’impuissance, l’incapacité où je serais de me battre. Mais cela ne se produira qu’au moment de ma mort !
Même seul, je me battrai .
Et je ne suis pas seul .
Il va partir pour rejoindre les armées en Allemagne. Si souvent déjà il a quitté la France par cette route qui passe par Sainte-Menehould et va vers Mayence.
Louis XVI en fuite avec sa reine autrichienne a pris cette route-là, où il devait être reconnu et arrêté.
Je laisse à mon impératrice autrichienne, la nièce de cette malheureuse reine décapitée, la
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