[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
régence, et je pars non pour fuir, mais pour combattre .
Il quitte le château de Saint-Cloud le jeudi 15 avril 1813 à quatre heures du matin.
À vingt heures, il dîne à Sainte-Menehould. Il passe à Metz à sept heures, le vendredi 16. Et il arrive à Mayence ce même jour à minuit.
Il a roulé plus de quarante heures.
Quatrième partie
La mort s’approche de nous
16 avril 1813 – 9 novembre 1813
11.
Il est assis, il écrit. Il est six heures du soir, ce samedi 17 avril 1813.
« Ma bonne Louise,
« Je suis arrivé le 16 à minuit à Mayence. Je n’ai pas reçu de lettres de toi aujourd’hui. Il me tarde d’apprendre comment tu te portes et ce que tu fais. Dis-moi que tu as été sage et que tu as du courage. J’ai comme tu le peux penser beaucoup d’ouvrage. Le grand maréchal Duroc n’est pas encore arrivé. »
Il se lève, va jusqu’à la croisée. Sur la place de Mayence, de jeunes soldats manoeuvrent, et tout à coup l’un d’eux a dû l’apercevoir. Ils dressent leurs fusils, crient : « Vive l’Empereur. » Il se recule, attendant que les acclamations cessent. Les tambours battent, leurs roulements s’approchent et s’éloignent avec ces coups de vent qui, toute cette journée du 17 avril, se sont succédé.
Il n’est pas sorti depuis son arrivée hier à minuit. Il a écouté les aides de camp, lu les dépêches de Ney, d’Eugène de Beauharnais. Puis il a consulté les cartes avec Bacler d’Albe. Les Russes et les Prussiens ont avancé partout. Torgau est tombée. Ils ont été accueillis en triomphateurs et en libérateurs à Dresde.
Et mon allié le roi de Saxe Frédéric-Auguste s’est enfui, se rapprochant de l’Autriche qui attend, l’arme au pied, que je sois blessé pour m’achever .
Il reprend la plume.
« Il fait ici bien du vent.
« Embrasse mon fils sur les deux yeux. Écris à Papa François tous les huit jours, donne-lui des détails militaires et parle-lui de mon attachement pour sa personne. »
Cela peut faire hésiter un moment l’Autriche, quelques jours ou quelques semaines, le temps pour moi de battre les Russes et les Prussiens .
Il va vers les cartes. La nuit commence à tomber. Roustam entre et allume les chandeliers.
Les ombres s’allongent sur les parquets. D’un geste, il demande qu’on approche les bougies de la table. Bacler d’Albe a placé les unités ennemies sur la carte.
Si j’avais quelques milliers de cavaliers de plus, la partie serait plus simple .
Mais il n’a pas d’autre atout, et c’est avec le peu qu’il tient qu’il doit jouer.
Il marche dans la grande pièce, les mains derrière le dos. Cette campagne, cette partie, c’est celle du tout ou rien. S’il gagne, il rafle toute la mise, tous les enjeux qui sont sur la table depuis qu’il règne. S’il perd, on lui prend tout. L’Angleterre remportera la guerre qu’elle mène depuis 1792 contre la France.
Tout ou rien. Voilà l’enjeu de cette année 1813.
Il se rassied.
« Je ne veux plus que tu aies mal à l’estomac, écrit-il encore à Marie-Louise, sois gaie et tu seras bien portante. Les affaires te donneront un peu d’occupation.
« L’habitude de te voir et de passer ma vie avec toi m’est bien douce.
« Adieu, ma chère Louise, aime-moi comme je t’aime, si toutefois cela est possible à la légèreté de votre sexe. Tout à toi. Ton époux.
« Nap. »
Les tambours se sont tus, le vent est tombé. Il ne va pas dormir. Trop d’ordres à dicter, trop de pensées qui tournent en lui, de décisions à prendre. Il appelle Fain, son secrétaire. Il montre la lettre qu’il a reçue de Frédéric-Auguste, le roi de Saxe, l’allié qui ne veut pas fournir de troupes, qui abandonne sa capitale, Dresde.
« Monsieur mon frère, la lettre de Votre Majesté m’a fait de la peine, commence-t-il. Elle n’a plus d’amitié pour moi ; j’en accuse les ennemis de notre cause qui peuvent être dans son cabinet. J’ai besoin de toute sa cavalerie et de tous ses officiers. J’ai dit ce que je pensais avec cette franchise que Votre Majesté me connaît. Mais quel que soit l’événement, que Votre Majesté compte sur l’estime qu’elle m’a inspirée et qui est à l’abri de tout. »
Voilà ce que je peux écrire. Il me faut retenir mes paroles. Ordonner à l’ambassadeur de France à Vienne, le comte de Narbonne, de ne rien faire qui pût déplaire à la Cour de François I er . Mais je sais bien ce que
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