[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
d’un homme.
Bessières ! Maréchal, duc d’Istrie, l’un de ceux que j’aimais, à qui j’avais confié le commandement de la cavalerie de la Garde .
— La mort s’approche de nous, dit Napoléon en s’éloignant.
Il s’arrête, après quelques minutes de galop, dans la maison du baillage de Lützen. La nuit tombe. C’est le samedi 1 er mai 1813. Demain, on se battra. Avant de s’allonger, il prend la plume.
« Ma bonne amie,
« Écris à Papa François qu’il ne se laisse pas entraîner par la haine que nous porte sa femme, que cela lui serait funeste et ferait bien des malheurs. J’ai éprouvé bien de la peine de la mort du duc d’Istrie ; c’est un coup bien sensible pour moi. Il était allé aux tirailleurs sans bonne raison, un peu par curiosité. Le premier boulet l’a tué raide. Fais dire quelque chose à sa pauvre femme. Ma santé est fort bonne. Fais dire à la vice-reine que le vice-roi Eugène se porte bien.
« Adieu, mon amie, tout à toi.
« Nap. »
Bessières est tombé près de lui, à quelques pas.
Mais pourquoi inquiéter Marie-Louise ? Toute la Cour, tout Paris saurait que l’Impératrice tremble pour moi, que je suis donc en danger, et dans l’ombre quelque général Malet ourdirait un complot .
Il dicte quelques lignes pour l’archichancelier Cambacérès.
« J’ai porté aujourd’hui mon quartier général à Lützen. Le premier coup de canon de cette journée nous a causé une perte sensible : le duc d’Istrie a été frappé d’un boulet au travers du corps et est tombé raide mort.
« Je vous écris en toute hâte pour que vous en préveniez l’Impératrice et que vous le fassiez savoir à sa femme, pour éviter qu’elle ne l’apprenne par les journaux. Faites comprendre à l’Impératrice que le duc d’Istrie était fort loin de moi quand il a été tué. »
Mourir ?
Ce dimanche 2 mai 1813, alors que les combats ont commencé dans les villages situés au sud de Lützen, il s’interroge. Mourir ? Pourquoi pas, puisque cette partie est celle du tout ou rien. Et qu’il doive jouer avec toutes ses cartes, et sa vie quand il la jette à l’avant-garde, au milieu des jeunes recrues qui commencent à se débander, est un atout.
Il est à cheval, au milieu des soldats, sous les boulets et dans le sifflement des balles. Il crie aux conscrits qui s’égaillent en courant dans les ruelles du village de Kaja, déjà pris, perdu, repris, perdu plusieurs fois : « Ralliez-vous, soldats, la bataille est gagnée, en avant ! »
En même temps, il lance des ordres à ses aides de camp. Il faut faire pivoter toute l’aile droite de l’armée, avec comme axe ce village de Kaja. On tournera ainsi l’armée ennemie. Il ordonne à l’artillerie de suivre le mouvement, d’écraser les Russes qui reculent sous les salves ! Il observe, toujours sous le feu, la retraite des unités ennemies. Elles sont battues, mais elles ne sont pas détruites.
— Je me trouverais en position de finir très promptement les affaires si j’avais seize mille cavaliers de plus ! lance-t-il.
Mais la victoire est là, et la route de Dresde ouverte.
Il parcourt les avant-postes alors que la nuit est tombée, que le feu a cessé. Les soldats l’acclament. Le cri de « Vive l’Empereur » roule le long des lignes.
Il se tourne vers ses aides de camp.
— Rien n’égale la valeur, la bonne volonté et l’amour que portent tous ces jeunes soldats, dit-il, ils sont pleins d’enthousiasme.
À la lueur des feux de bivouac, il dévisage les officiers qui l’entourent. Eux sont mornes, alors que la victoire est acquise, que Lützen restera, il en est convaincu, comme un modèle de bataille.
Il s’arrête, met pied à terre près d’un feu de bivouac. Il dicte sa proclamation à l’armée. C’est maintenant, ici, qu’il trouvera les mots qui toucheront ces jeunes troupes.
« Soldats, je suis content de vous ! commence-t-il. Vous avez rempli mon attente ! Vous avez suppléé à tout par votre bonne volonté et par votre bravoure. Vous avez ajouté un nouveau lustre à la gloire de mes aigles ; vous avez montré tout ce dont est capable le sang français. La bataille de Lützen sera mise au-dessus des batailles d’Austerlitz, d’Iéna, de Friedland et de la Moskova. »
Il remonte à cheval. Il entend les plaintes des blessés. La bataille a été meurtrière. Combien ? Mille, dix mille, vingt mille morts et blessés dans chaque
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