[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
de bataille.
Soit.
Il est à nouveau aux avant-postes, entrant dans Görlitz. Il est même en avant de l’infanterie. Sur la route, brusquement, des cavaliers russes surgissent. Ils ne sont qu’à quelques centaines de mètres. Napoléon leur tourne le dos calmement. Il dirige le mouvement d’une unité d’artillerie qui approche, fait mettre les canons en position. Berthier crie que les Russes avancent.
— Eh bien, nous avancerons aussi, répond calmement Napoléon.
Que risque-t-il ? La mort ?
Qu’est-ce donc ? La fin d’une partie.
Le soir, il s’installe dans une petite ferme qui a été pillée. Il ne dispose que d’une pièce sombre, minuscule. Quelle importance ? Il ne peut penser à autre chose qu’à la mort de Duroc. Il faut qu’il partage sa peine, qu’il se confie un peu.
« Ma bonne amie, tu auras appris le fatal boulet qui m’a tué d’un seul coup le grand maréchal et le général Kirgener. Juge de ma douleur ! Tu connais mon amitié pour le duc de Frioul. Le grand maréchal Duroc est mon ami depuis vingt ans. Jamais je n’ai eu à me plaindre de lui, il ne m’a jamais donné que des sujets de consolation. C’est une perte irréparable, la plus grande que je pouvais faire à l’armée. J’ai ordonné que jusqu’à ce que je le remplace le grand écuyer en ferait fonction. Addio, mio bene . Mes affaires vont très bien. Tout à toi.
« Nap. »
Il s’est installé à Neumarkt, entre l’Oder et la Neisse. Il regarde ces grands ciels de l’Europe de l’Est qui déroulent leurs longues traînées blanches au-dessus des espaces sans limites. Il fait doux. Il marche devant la maison cossue qui lui sert de quartier général.
Il a, en moins d’un mois, fait reculer les Russes et les Prussiens de trois cent cinquante kilomètres. Il les a toujours battus, mais il ne les a pas détruits. Il manque de cavalerie pour les poursuivre. Eux sont défaits, aux abois. Koutousov est mort, vient-il d’apprendre, et la maladie a empêché le maréchal russe de conduire ses armées.
Que faire maintenant, alors qu’on entre dans l’été ? et que je connais les déserts de Pologne !
Il regarde autour de lui : il voit Caulaincourt, Berthier. Il les entend.
Ils veulent la paix. Peut-être Caulaincourt est-il même prêt à souhaiter la défaite, pour que la guerre cesse. Et c’est lui que j’envoie à la rencontre de ces plénipotentiaires russes et prussiens qui viennent demander un armistice sous la médiation de Metternich. Je pourrais tenter de détruire leurs armées. Mais où sont mes dragons, mes cuirassiers, mes lanciers polonais ? Ensevelis sous la neige de Russie !
Il fait apporter par Berthier les états des différentes unités. Les pertes ont été lourdes. Les conscrits ne résistent pas aux marches continuelles. Sur un effectif de quarante-sept mille hommes, le 3 e corps ne compte plus que vingt-quatre mille soldats ! Les munitions se font rares.
Il convoque Caulaincourt. Je suis prêt, dit-il, à signer une convention d’armistice, valable jusqu’au 20 juillet. Des négociations de paix doivent durant cette période s’ouvrir à Prague.
Caulaincourt est joyeux, enthousiaste même. Et c’est cet homme-là qui remplace Duroc ! Voilà les hommes qui maintenant m’entourent. Les meilleurs sont morts. Restent les Caulaincourt .
Le 4 juin 1813, l’armistice est signé à Pleiswitz.
Avant de quitter Neumarkt pour rejoindre Dresde, il dicte une lettre pour Clarke, le ministre de la Guerre.
« Cet armistice arrête le cours de mes victoires. Je m’y suis décidé pour deux raisons : mon défaut de cavalerie qui m’empêche de frapper de grands coups, et la position hostile de l’Autriche. Cette Cour, sous les couleurs les plus aimables, les plus tendres, je dirais même les plus sentimentales, ne veut rien moins que me forcer par la crainte de son armée réunie à Prague, et ainsi obtenir des avantages par cette seule présence d’une centaine de mille hommes et sans hostilités réelles.
« Si je le puis, j’attendrai le mois de septembre pour frapper de grands coups. »
Il ne croit pas à la paix.
Qui la veut vraiment ? Elle ne se bâtira que sur la défaite de mes ennemis ou sur ma capitulation .
Mais il faut faire comme si la paix était possible. Tant de gens la souhaitent, et le désir les aveugle .
Un dernier mot pour Marie-Louise avant de quitter Neumarkt.
« Ma bonne amie,
« J’ai reçu ta lettre du
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