Napoléon
frère ignorantin suffit à l’homme du peuple. »
Un autre problème plus personnel le préoccupe, celui des économies :
« Mon intention, écrit-il à Caulaincourt, est que désormais mes voyages ne soient pas à charge au trésor public. Tous les mouvements de chevaux et frais de tournée seront soldés par mon trésorier, suc les fonds qui vous sont accordés par le budget. Mon voyage et celui de l’Impératrice dans la Belgique m’a coûté quatre cent mille francs pour les mouvements de chevaux, les frais de poste non compris. Faites-moi un rapport sur les mouvements de chevaux nécessaires pour mon voyage de Milan... »
Les attaques plus ou moins perfides de la presse n’arrangent pas les choses ; elles le tourmentent. C’est là, pour lui, un perpétuel souci. Il écrit, le 22 avril, de Chambéry : « Monsieur Fouché, les journaux se plaisent, dans toutes les circonstances, à exagérer le luxe et les dépenses de la cour, ce qui porte le public à faire des calculs ridicules et insensés. Mon intention est donc que vous fassiez appeler les rédacteurs du Journal des Débats, du Publiciste, de la Gazettede France, qui sont, je crois, les journaux qui ont le plus de vogue, pour leur déclarer que, s’ils continuent à n’être que les truchements des journaux et des bulletins anglais, et à alarmer sans cesse l’opinion, en répétant bêtement les bulletins de Francfort et d’Augsbourg sans discernement et sans jugement, leur durée ne sera pas longue ; que le temps de la Révolution est fini, et qu’il n’y a plus en France qu’un parti... »
Quatre jours plus tard, il écrit encore : « La réforme des journaux aura bientôt lieu ; car il est par trop bête d’avoir des journaux qui n’ont que l’inconvénient de la liberté de la presse sans en avoir les avantages. »
Un mois après : « Les journaux sont une partie importante. On ne peut pas dire aujourd’hui qu’ils soient malveillants, mais ils sont trop bêtes ; ils écrivent sans but et les principaux ne montrent aucun zèle pour le gouvernement. D’ailleurs, Journal des Débats, Lois du pouvoir exécutif, Actes du Gouvernement, sont des titres qui rappellent trop la Révolution. La Gazette de France est le véritable mot. Le titre de Journal de Paris est aussi convenable ; le titre de Bulletin de l’Europe n’est pas mauvais aussi ; celui de Courrier français aussi ; car je ne suis point de l’opinion de n’avoir qu’un journal ; mais je voudrais une organisation sans censure, car je ne veux pas être responsable de tout ce qu’ils peuvent dire. Je voudrais, dis-je, que les rédacteurs des journaux conservés fussent des hommes attachés... Que l’esprit de ces journaux fût dirigé dans ce sens, d’attaquer l’Angleterre dans ses modes, ses usages, sa littérature, sa constitution. Geoffroi n’est recommandable que sous ce point de vue, et c’est le grand mal que nous a fait Voltaire de tant nous prêcher l’anglomanie. »
Il s’occupera aussi des réjouissances, – de quelles questions d’ailleurs ne s’occupe-t-il pas ? – et on le verra écrire à Champagny : « Plusieurs préfets ont écrit et imprimé des circulaires pour défendre de danser près des églises. Je ne sais où cela conduit. La danse n’est pas un mal. Veut-on nous ramener au temps où l’on défendait aux villageois de danser ? »
Du 24 au 29 avril, il réside à Turin. Le 1 er mai, par une coquetterie de gloire, il revêt l’uniforme qu’il portait à Marengo – chapeau galonné, déjà noirci par le temps, et sabre républicain compris {2} et entraîne Joséphine vers le champ de bataille, où une division exécute rétrospectivement les mouvements accomplis par l’armée le 14 juin 1800. Un « frémissement de douleur » passe dans les rangs lorsque l’Empereur, dans le discours prononcé pour célébrer ce pèlerinage, prononce le nom de Desaix dont le corps sera bientôt transporté à l’hospice du Grand-Saint-Bernard {3} .
Le 6 mai, à Alexandria, il se dispose à recevoir son frère Jérôme avec lequel il est au plus mal. Cette entrevue va se dérouler après dix jours de pourparlers.
Le plus jeune des Bonaparte – il a quinze ans de moins que Napoléon – est véritablement un plaisant personnage. Lorsqu’il avait atteint sa seizième année, son frère, alors Premier consul, l’avait fait nommer aspirant de marine. On l’embarqua avec cette qualité sur le Foudroyant qui mit le
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