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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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quelques affichettes placardées sur les façades, accrochées aux colonnes, qui condamnaient Néron le matricide et devant lesquelles nul n’osait s’attarder ?
    Je les ai vues. Je les ai lues.
    L’une d’elles disait : « Voici une nouvelle arithmétique, voici un nouvel avis : Néron a tué sa propre mère. »
    Les autres répétaient toutes ce mot de matricide alors que Néron s’en tenait à déclarer que sa mère avait fomenté un complot et que c’était « grâce à la fortune de l’État » qu’elle était morte.
     
    Néron avait même adressé une lettre au Sénat accablant Agrippine, l’accusant de tous les maux qui avaient sévi sous le règne de l’empereur Claude, invoquant le hasard – cette « fortune » qui protège ceux que les dieux ont choisi d’aimer – pour expliquer le naufrage, puis la découverte du poignard avec lequel Agermus voulait tuer l’empereur, enfin, comment Agrippine s’était châtiée elle-même d’avoir voulu attenter à la vie de son fils.
    Telle était la vérité impériale, celle que, d’un seul mot – « matricide »  –, les affichettes contestaient.
     
    Mais leurs auteurs n’étaient qu’une écume à peine visible sur cette mer d’approbations, de dévotion et d’enthousiasme quand, enfin, l’entrée de la vallée du Vatican fut ouverte à la plèbe et qu’elle put voir, debout sur son char à quatre chevaux attelés de front, Néron, qu’elle put l’entendre déclamer et chanter, qu’elle le vit revenir, vêtu comme un citharède, pinçant avec application les cordes de son instrument.
    Je me trouvais une fois encore parmi la foule. Je l’écoutais, l’observais. Elle hurlait sa joie de voir les rejetons des familles nobles, des chevaliers, des sénateurs participer à ces jeux que venait de créer Néron, les juvénales, pour célébrer ce qu’on appelait sa seconde naissance, son véritable avènement.
    J’ai moi aussi été gagné par cette excitation qui embrasait la foule quand elle perçait à jour les travestissements, les jeunes chevaliers apparaissant grimés en femmes. Peut-être même sous le déguisement de l’une de ces actrices l’empereur en personne se cachait-il ?
    On riait. On s’interpellait. On se répandait dans les banquets. Néron avait ordonné que fussent ouvertes des tavernes où des dames nobles s’offraient à ceux qui les désiraient. Et l’on avait distribué des pièces de monnaie pour que chacun pût les satisfaire.
    J’ai assisté à tout cela. Et, après quelques instants d’ivresse, j’ai éprouvé du dégoût, du désespoir, même, devant un tel spectacle, une telle vague de scandales et d’infamies, et il me sembla que, bien que les mœurs de l’empire fussent depuis longtemps corrompues, jamais on n’avait vu réunis plus de vices dans un tel cloaque.
     
    Mais je n’ai pas osé clamer mon indignation, mon regret ni ma honte de voir l’empereur du genre humain se pavaner sur scène comme un musicien, un poète ou un acteur grec.
    Était-ce ainsi que l’on pouvait défendre et illustrer la grandeur de Rome au moment même où, en Bretagne, les peuples barbares attaquaient les légions, où, en Arménie, les Parthes remportaient des victoires sur les cohortes de Corbulon, et où leur roi, Tiridate, s’installait à nouveau sur le trône de ce royaume ?
    Qu’étaient devenues les vertus romaines ?
    Je ne voyais partout que jeunes gens désireux de se rapprocher de Néron afin d’en être distingués, prêts à toutes les flagorneries, à toutes les soumissions pour attirer son regard, obtenir ses récompenses, soucieux de se faire remarquer en participant à des concours de chant ou de poésie, en se classant en tête dans les courses de chars, en n’ayant pour tout désir que celui de vivre dans le luxe et la débauche.
    Était-ce cela, la nouvelle Rome ?
    Et personne pour la contester, s’en indigner !
    Même les prêtres de la confrérie des arvales, qui appartenaient tous à la haute aristocratie sénatoriale, célébraient par des sacrifices l’empereur Néron, et presque chaque jour, dans un temple ou sur les gradins d’un amphithéâtre, on exaltait la beauté et les talents du fils d’Apollon qu’il était.
     
    J’en voulais à Sénèque de l’appui qu’il continuait de lui apporter, alors même qu’à l’évidence l’empereur n’était plus décidé à suivre le moindre conseil, mais à se laisser aller au jeu de ses passions et de ses vices,

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