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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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préférant la complaisance des courtisans à l’austère réserve de Sénèque et de Burrus.
    Pourquoi donc Sénèque avait-il écrit, au nom de Néron, cette lettre au Sénat dans laquelle il avait maquillé le matricide sous le mensonge du naufrage accidentel et du complot ? Il avait ainsi suscité le mépris et la colère des quelques hommes qui, à Rome, connaissaient la vérité et qui en voulaient au philosophe de la sacrifier au bénéfice d’un tyran dont ils craignaient que, libéré de toute tutelle et de toute crainte, il ne se révélât bientôt pire que Caligula.
    Je n’ai pas obtenu de réponse claire de Sénèque. Je l’ai senti hésitant. Parfois il convenait que la monstruosité de Néron, révélée et confirmée par le matricide, ne pourrait que submerger sa personnalité, ruiner sa politique, et que personne ne serait à l’abri de cette démesure dans le mal.
    Il baissait la tête et ajoutait dans un murmure :
    — Je te l’ai dit, Serenus, moi-même et mes amis – et donc toi – ne représentons rien pour un homme qui, avec obstination, a voulu tuer sa mère et a dû s’y reprendre à plusieurs fois avant d’y parvenir.
    — Tu as maquillé et justifié ce crime, Sénèque !
    Il penchait un peu la tête sur son épaule gauche, le front creusé de rides. Il ouvrait les mains, les bras à demi écartés.
    — La mort d’Agrippine était devenue nécessaire. C’était le seul moyen de limiter le mal qui pouvait naître de cet affrontement entre mère et fils.
    — Tu avais dit la même chose au moment de l’assassinat de Britannicus.
    — La guerre civile a, chaque fois, été évitée.
    — Et l’empereur du genre humain chante et déclame sur les estrades comme un histrion grec !
    — Il n’a ordonné ni chasse à l’homme ni proscription.
    — Demain…
    — Tout est possible, il est vrai. C’est un empereur de vingt-trois ans. Il commence seulement à marcher seul.
    — Dans le sang de sa mère.
    — On naît dans le sang, Serenus. Toujours.
    J’ai marmonné :
    — Il s’y noiera !
    Le coude posé sur sa cuisse gauche, le bras replié, une main soutenant son menton, Sénèque a paru ne pas entendre.
     
    Après un long moment de silence, il m’a parlé de Poppée qui se soumettait à tous les désirs de Néron, y compris les plus pervers, comme si elle n’avait été qu’une esclave, mais qui affirmait ainsi son pouvoir afin d’obtenir ce qu’elle désirait : le mariage.
    Pour cela, il fallait d’abord que Néron répudie Octavie, son épouse.
    — Il la tuera, ai-je dit.
    — Elle est fille d’empereur.
    — Il trouvera un prétexte. Et tu écriras une lettre au Sénat pour justifier ce crime !
    J’ai regretté d’avoir ainsi fustigé Sénèque. Mais il ne m’a pas paru affecté pour autant, souriant au contraire, m’accusant de ne pas connaître l’âme humaine, si pleine de détours.
    Néron, qui, à mes yeux, n’était qu’un monstre, était aussi dévoré par l’inquiétude et le remords, m’a exposé Sénèque. Chaque jour, l’empereur questionnait mages et astrologues. Il tremblait lorsque l’un d’eux lui apprenait qu’une femme avait accouché d’un serpent ou avait été foudroyée au moment de s’accoupler.
    Quand le soleil était resté masqué tout un jour ; que chaque quartier de Rome avait été frappé par la foudre dans un fracas quatorze fois répété, Néron s’était terré dans la salle la plus reculée de son palais, si terrorisé qu’il en claquait des dents, avouant que depuis la mort d’Agrippine il était poursuivi par les Furies vengeresses qui le menaçaient de leurs fouets et de leurs torches ardentes. C’était sa mère qui le tourmentait afin qu’il fut déchiré par le remords.
    Il avait crié qu’il l’était, qu’il avait aimé Agrippine comme jamais il n’aimerait aucune autre femme, qu’il avait admiré sa mère et avait souhaité la combler, la servir. Mais pourquoi avait-elle voulu gouverner à sa place et le réduire au rôle de marionnette ? Pourquoi s’était-elle alliée à Britannicus, à Octavie, à ce Rubellius Plautus ? Pourquoi avait-elle voulu lui arracher la dignité impériale, à lui, le fils d’Apollon ?
     
    — Néron n’est qu’un homme qui a peur, a conclu Sénèque. Il s’enivre de bruits, de chants, d’accords de cithare pour ne pas entendre résonner en lui la voix du remords et le souvenir d’Agrippine. Il fuit. J’essaie de le rassurer. Il en

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