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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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tannée d’un homme de la campagne. On disait que ce Tigellin d’origine grecque avait servi Agrippine puis l’avait trahie pour Néron. Il avait fait de son gendre, Cossutianus Capito, le prince des délateurs, espionnant les sénateurs, dénonçant et réclamant la mort.
    Tigellin était devenu l’un des courtisans les plus serviles de Néron. Il avait invité l’empereur dans ses domaines de Lucanie.
    Sur ses terres brûlées par le soleil du Sud, il employait des milliers d’esclaves dans ses vergers, ses champs de blé, ses écuries. Car il élevait des chevaux de course dont il avait offert à l’empereur les paires les plus véloces. À la mort de Burrus, Néron avait fait de lui l’un des préfets du prétoire, l’autre étant Faenius Rufus qui devait assurer le ravitaillement en grain de Rome comme préfet de l’annone et dont la popularité servait à masquer que le pouvoir sur la garde prétorienne était désormais entre les mains de Tigellin.
    Je l’ai croisé dans le palais impérial où je devais retrouver Sénèque.
    Il m’a fait peur.
    Pour complaire à Néron, mais aussi parce que tels étaient ses penchants, ses croyances, sa nature de Grec de Sicile, son âme corrompue d’Oriental, cet homme organisait des nuits de débauche au cours desquelles il livrait à Néron – et partageait avec lui dans l’ivresse – des vierges, des éphèbes achetés en Asie, en Égypte, en Lucanie, dont les corps et les talents, raffinés ou frustes, surprenaient et ravissaient Néron, qui poussait de petits cris aigus comme ceux d’un enfant comblé.
    Il aimait en Tigellin l’homme qui exhibait son impudicité, alors que, selon l’empereur, si personne n’échappait au vice, chaque homme voulant pénétrer et être pénétré par un autre, rares étaient ceux qui l’avouaient.
    Par le vin et par les vices, Tigellin était le complice achevé de l’empereur.
    C’était aussi un ennemi du Sénat, de Thrasea Paetus, de ces vieux sénateurs ou bien de ces philosophes qui, fidèles aux institutions de Rome, recherchaient la clémence et l’équilibre.
    Au contraire, Tigellin voulait un empereur sans limites, décidant et jouissant de tout selon son bon plaisir, se livrant à la débauche et osant régner par le crime.
    Mais il était assez habile pour masquer cette volonté en invoquant le droit et les dieux, ou bien la défense de l’empereur contre des conspirateurs.
    Comprenant cela, j’ai imaginé le pire aussi bien pour Sénèque que pour moi.

 
     
31
    Le pire s’est abattu sur nous.
    J’ai vu Sénèque venir à moi dans l’allée de son jardin. Il marchait voûté comme un vieil homme. Je suis allé à sa rencontre. Il s’est immobilisé. Ses cheveux gris étaient collés à son front et à ses joues. Les plis de sa toge maculée de traînées brunâtres retombaient lourdement, imbibés d’eau.
    — L’orage, a-t-il murmuré.
    Il avait plu une grande partie de la journée et la terre dans l’allée était boueuse. Les feuilles et les fleurs des lauriers avaient été arrachées, des branches cassées.
    En quelques mots, Sénèque me raconta comment les affranchis du palais impérial lui avaient interdit d’entrer. Néron ne voulait pas le recevoir. Des prétoriens l’avaient entouré, reconduit, et l’avaient laissé sous l’averse.
    On avait voulu l’humilier. Quelqu’un avait renvoyé sa litière et il avait dû regagner sa villa à pied, par ces ruelles que la pluie avait transformées en torrents.
    Les esclaves, les porteurs, cette plèbe bruyante et grossière, l’avaient bousculé, lui qui avait été l’homme le plus puissant de la ville et qui en était encore l’un des plus riches.
    Il m’a montré sa toge maculée par l’eau boueuse que les roues des chariots projetaient.
    — Rome est devenue un égout, a-t-il soupiré.
    C’était du palais que des immondices se déversaient.
     
    Tigellin avait ouvert les vannes, devinant que Néron ne supportait plus la présence ni le regard d’un homme qui avait été son maître, son conseiller, qu’il avait proclamé son ami et qui avait été le témoin de sa vie.
    Les chiens de Tigellin et le chef de sa meute, le délateur Cossutianus Capito, aboyaient leurs calomnies et leurs critiques. Et on nous rapportait leurs propos.
    On accusait Sénèque de vouloir ternir la gloire de l’empereur, de posséder des villas et des jardins dont la magnificence surpassait celle des propres biens de Néron. On lui reprochait

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