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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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autres.
    Il levait la tête, me regardait, poursuivait :
    — Serenus, médite chaque jour aux moyens de quitter sereinement la vie à laquelle beaucoup s’accrochent et se retiennent comme ceux qui, emportés par les flots d’un torrent, s’agrippent aux ronces et aux rochers. La plupart des hommes sont lamentablement ballottés entre la crainte de la mort et les tourments de la vie, se refusant à vivre et ne sachant pas mourir. Aucun bien ne satisfait celui qui le possède si de lui-même il n’est pas prêt à le perdre.
     
    Un jour, Sénèque s’interrompit pour m’annoncer que notre ami, le préfet du prétoire Burrus, venait de mourir.
    Il avait depuis quelques jours la gorge qui enflait ; une grosseur, comme un morceau de viande qu’on n’a pas mâché et qui obstrue, l’empêchait de respirer.
    Néron lui avait dépêché ses médecins, et l’un d’eux avait enduit le palais de Burrus d’une pommade censée dissoudre cette protubérance. Mais, au contraire, elle avait encore enflé, et lorsque Néron, tel une hyène, était venu se pencher sur le corps du préfet du prétoire, s’inquiétant comme un acteur qui, de manière grandiloquente, joue la compassion et l’amitié désespérée, Burrus avait murmuré dans un dernier effort : « Moi, je vais bien. »
    — C’est la réponse de Scipion au centurion de César vainqueur venu le tuer, conclut Sénèque.
    Sénèque croisa les mains, calant son front sur ses deux pouces et ajoutant, sur le ton d’une oraison funèbre :
    — J’aimais Burrus. Je l’ai connu quand il arrivait de Vasio, sa ville natale, en Gaule narbonnaise. C’était un homme droit qui voulait comme moi la clémence et l’équilibre. Auprès de Néron, nous étions tour à tour la lame et la poignée du glaive. Nous avons espéré ensemble que Néron serait un jeune et juste empereur du genre humain. Nous avons essayé de le retenir. Burrus l’a empêché de commettre plusieurs crimes. Si Rubellius Plautus vit en Asie sur ses domaines au lieu d’avoir été contraint de se trancher la gorge, si Sulla vit à Marseille et n’a pas été jeté dans une fosse aux lions, c’est à Burrus qu’ils le doivent. Et si Octavie n’a pas encore été répudiée par Néron, c’est que Burrus s’y est opposé. Nous étions le glaive de la clémence et de la sagesse. Burrus est mort. Le glaive est brisé. Je ne suis plus ni la lame ni la poignée, mais un tronçon inutile dont Néron va se défaire dès qu’il le jugera bon.
    Sénèque ne paraissait pourtant ni inquiet ni désespéré. Seulement las.
    — J’ai souvent dit à Burrus : « Ne te fie pas à la tranquillité dont tu jouis. En un instant, la mer est bouleversée ; le même jour, dans la vague même dont ils se jouaient, des navires sont engloutis. »
    Sénèque ferma les yeux, toutes ses rides sont devenues plus profondes. Son visage avait pris une expression douloureuse.
    — Burrus est englouti, avait-il murmuré. La vague s’est refermée sur lui et va se rouvrir pour moi.
     
    Je m’étais insurgé contre cette acceptation d’un sort funeste.
    Sénèque n’était-il pas toujours l’ami de Néron ? Reçu par l’empereur ? N’était-il pas l’invité des banquets ? N’applaudissait-il pas Néron quand celui-ci apparaissait sur scène, déclamait, improvisait un poème ou conduisait un quadrige sur la piste du cirque ?
    — Burrus applaudissait aussi et conviait ses soldats à acclamer l’empereur, répondit Sénèque. Mais Néron n’a nul besoin de son émeraude sur l’œil pour savoir ce que l’on pense de lui. Il est acteur. Il n’est pas dupe du jeu des autres. Il savait que Burrus était affligé de devoir applaudir un histrion. Et il sait tout aussi bien ce que je pense.
    Il se leva, fit quelques pas, puis s’immobilisa devant la statue d’Apollon.
    — La fortune n’a jamais élevé si haut un homme au point de ne pas faire peser sur lui autant de menaces qu’elle lui a laissé de latitude, a-t-il dit en se tournant vers moi.
    Quelques jours plus tard, j’ai rencontré l’homme qui, proche de Néron, tenait le glaive de Burrus, mais ce n’était plus l’arme de la clémence et de la justice, de la sagesse et de l’équilibre, c’était la lame de l’ambition, du crime, de la débauche. Ce n’était plus une arme romaine, mais une épée grecque ou orientale.
    L’homme s’appelait Gaius Ofonius Tigellin.
    Il avait la musculature, le visage rude et la peau

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