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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de n’avoir jamais admis que l’empereur offrît à la plèbe l’éclat de son art. Et, cependant, il voulait rivaliser avec lui en composant des livres et des poèmes pour faire étalage d’un talent supérieur à celui de Néron. Mais cet ennemi masqué de l’empereur profitait pourtant avec avidité des avantages du pouvoir. Il continuait d’accumuler villas et domaines. Sa richesse n’était pas celle d’un philosophe ou d’un citoyen honnête qui prétendait donner des leçons à Néron lui-même. Que voulait-il ? Conspirer contre l’empereur ? De quoi rêvait-il ? du pouvoir ? Pourquoi réunissait-il dans ses villas des poètes, des écrivains, des philosophes, des sénateurs qui étaient tous des adversaires de cette manière nouvelle de gouverner l’Empire, celle de la jeunesse qu’incarnait Néron ?
    Un homme comme Sénèque n’avait plus sa place auprès de l’empereur qui bénéficiait de la protection des dieux et de ses illustres ancêtres, les fondateurs de l’Empire.
     
    J’ai rapporté à Sénèque ces propos, ces injures, ces attaques.
    Je lui ai confié mes craintes de voir des prétoriens, des tueurs s’avancer, tout comme ils étaient entrés naguère dans la chambre d’Agrippine, à moins que Néron ne préférât utiliser les poisons de Locuste.
    J’ai été étonné du calme de Sénèque. Il m’a rappelé qu’il ne craignait pas la mort, et il a ajouté avec un sourire que ce n’était là qu’un premier assaut, une cohorte d’avant-garde. Nous disposions encore de trop de troupes pour qu’on osât lancer l’ultime attaque.
    — Néron et Tigellin savent que je ne suis pas seul, a-t-il conclu.
    J’ai cru qu’il s’illusionnait. C’est moi qui me trompais. Des sénateurs, des chevaliers, de simples citoyens, même, se sont présentés à la villa pour manifester leur appui.
    Lucain, l’écrivain, le neveu de Sénèque, auquel Néron avait manifesté son admiration avant de rompre avec lui, jaloux de son talent, est venu nous dire que même parmi la jeunesse noble on condamnait le despotisme de Néron, on critiquait sa volonté d’instaurer une monarchie orientale. Rome n’était pas une ville de Grèce, d’Asie ou d’Égypte, aucun Alexandre ne pourrait la gouverner. Sénèque devait résister, rassembler tous ceux qui s’opposaient à la cruauté, à la mégalomanie, à l’extravagance de Néron, aux débauches et aux pitreries d’un empereur entouré des pires hommes et influencé par cette Poppée qui ne rêvait que d’Orient et d’épousailles.
    — Je suis vieux, a murmuré Sénèque, levant lentement le bras et palpant du bout des doigts ses cheveux gris. Voilà plus de soixante ans que je vis, a-t-il ajouté en croisant les bras, les mains accrochées à ses épaules. Est-ce une grâce ou une malédiction des dieux ? C’est ainsi : chaque geste me coûte. Je m’essouffle après un tour de jardin. L’esclave avec qui je cours doit s’arrêter tous les cent pas, loin devant moi, pour m’attendre. Je vais bientôt cesser de courir. Mes jambes, mes bras sont lourds comme si la mort les avait déjà transformés en pierre.
    Il a souri.
    — Mais je peux lire, écrire. La philosophie est le remède de mon corps et de mon âme. Je lis Épicure, j’écris à mon ami Lucilius.
    Il s’est interrompu, la tête quelque peu penchée, se pinçant la lèvre inférieure entre les doigts.
    — Néron vient de désigner Lucilius comme procurateur de Sicile. Je lui ai conseillé d’accepter. Pourquoi refuser une magistrature ? Il faut continuer de servir Rome. Néron…
    Il a haussé les épaules.
    — Il ne faut pas irriter les fauves. Le sage évite un pouvoir qui est appelé à lui nuire, mais il ne doit pas dévoiler qu’il cherche à l’éviter ; la sécurité réside en effet aussi dans le fait de ne pas montrer qu’on la recherche, car quiconque fuit se condamne.
    Il a fait quelques pas, s’éloignant, revenant, disant qu’il voulait se retirer du pouvoir sans ostentation mais avec prudence, lentement, en montrant à Néron qu’il abandonnait la vie publique pour la vie intérieure, que la sagesse, le poids de la vieillesse et de la maladie lui dictaient son choix.
    — Je ne veux pas condamner Néron, a-t-il conclu.
    — Il t’a déjà jeté hors de son palais, ai-je objecté. Il t’a humilié, toi, Sénèque qui fus son maître !
    — Ce n’est que le geste rageur d’un jeune homme impatient de vivre loin de celui qui

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