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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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disait toujours, « mon frère, tu verras », je vous vois ».
    Madeleine riait. Elle habitait une rue étroite, au delà du
pont Magnan, entre le prolongement de la promenade des Anglais et la rue de
France. Dante avait voulu s’engager dans la rue.
    — Ma mère, avait dit Madeleine à voix basse. Vous
revenez quand ?
    Il n’avait pu répondre, une femme d’une fenêtre au premier
étage appelait, criait : « Qu’est-ce que tu attends ? »
    Il était rentré lentement rue de la République. Un jour
encore. Mais s’il avait pu, il serait parti ce soir. Ces dix jours de
permission, c’était trop long, trop court. Il était mal à l’aise dans son
costume civil, comme s’il avait grossi. Il les écoutait parler, Clément,
Borello, sa mère, Millo, il lisait les journaux, ils avaient tous peur, peur de
quelque chose, de la guerre, Madeleine de sa mère. Le père n’avait dit que
quelques phrases mais il avait peur que chez Rubens peu à peu on remplace les
charretiers par des chauffeurs, et il était trop tard pour qu’il apprenne à
conduire. « Ils prendront des jeunes », avait-il conclu.
    La peur que ça éclate quelque part. La guerre même, comme un
court-circuit, quand il y a une installation neuve. On met le courant, rien ne
se passe. Ça ne s’allume pas. Dante préférait l’étincelle, les plombs qui
fondent, le claquement du disjoncteur. Au moins on sait, on répare.
    Tôt le matin du 14 juillet il avait commencé son paquetage,
pliant les vareuses, bourrant le sac, sa mère ajoutant encore des paquets, un
morceau de fromage, deux saucissons. De la fenêtre, il avait assisté au défilé
des chasseurs qui, par la rue de la République, rejoignaient, fanfare en tête,
la place Masséna. L’après-midi le bal recommençait. Il y resta jusqu’à la nuit,
rencontrant Clément qui lui présentait Sauvan.
    — Je connais bien les Revelli, disait Sauvan. Qu’est-ce
qu’en pensent les marins ? En Russie en 5 c’est de la marine que c’est
parti. L’infanterie, c’est les paysans.
    Dante était distrait, il cherchait Madeleine.
    — Et toi, qu’est-ce que tu penses ? demandait
Sauvan.
    — Je voudrais que ça soit fini, pour travailler, le
reste…
    Il vit Madeleine, s’éloigna en les saluant distraitement.
    — Il faut que je rentre, disait Madeleine, je vous ai
attendu, je vous ai pas vu.
    — Venez, on danse.
    Il la prit par la taille. Une valse. Il commençait à
tourner, la serrant contre lui et elle se laissait aller, quand éclatèrent les
premières fusées du feu d’artifice.

Troisième partie L’avenue de la Victoire
29
    Qui les avait prévenues ? Elles venaient des quartiers
de l’est de la ville, Saint-Roch, la place Garibaldi, le port, la rue de la
République. Elles se tenaient serrées, groupe sombre contre les briques rouges
de la gare, les enfants s’accrochaient à leurs jupes, silencieux, se penchant
parfois, une main ne lâchant pas le tissu, l’autre tendue vers les voies, le
corps oblique par rapport à ces femmes droites comme des troncs nus après
l’incendie.
    Qui les avait prévenues ? Un cheminot peut-être, qui
avant de rentrer chez lui, frappait à la porte de la voisine de palier, disait
en refusant de passer le seuil : « Y a un train qui arrive demain
matin, c’est tout ce qu’on sait. Ils viennent de là-bas. » La femme, et
c’était Lisa Revelli ou Louise, ou l’épicière, la mère de Millo, ou Thérèse
Gancia, ou bien la sœur de Coco, le coiffeur de la rue Barla, ou la femme de
Clément l’électricien, la Parisienne, Mme Françoise, celle qui ne comprenait
pas le niçois, qui avait l’accent des prétentieuses, qui « faisait du genre »,
l’une d’elles dénouait son tablier, se signait, traversait la rue, ou bien,
dans la vieille ville, ouvrait la fenêtre, criait : « Madame Tacco »
et Madame Tacco écartait les draps suspendus devant sa cuisine, « demain
matin, y a un train ».
    Ou bien qui sait ? personne ne les avait prévenues et
elles étaient là chaque matin à attendre ce train de blessés qui un jour
arriverait du front.
    Mais peut-être, savaient-elles que c’était ce matin-là qu’il
allait s’immobiliser sous la verrière de la gare, parce que la douleur l’avait
devancé, roulant depuis le Nord, l’Est, Charleroi, Péronne, Vitry-le-François,
la Marne. Les femmes savent.
    Des gendarmes entraient sur le quai, refoulaient hors de la
gare ces groupes sombres, elles reculaient pas à

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