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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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parapet alors que les fusées vertes
signalaient le début de l’attaque, ces dix mètres qu’on ne parvenait pas à
couvrir, les hommes tombaient, ne conquérant que la longueur de leurs corps,
bras étendus devant eux comme pour s’emparer de davantage de terrain et ils restaient
là. La nuit, alors que les mitrailleuses continuaient de balayer au ras du sol
le champ de bataille, que les balles en s’enfonçant dans les corps morts
faisaient un bruit mat, la nuit, entre deux rafales, les guetteurs que Ritzen
rejoignait, disaient « vous entendez, mon Commandant » des cris
aigus, comme des pincements, « ils les bouffent, toutes les nuits. »
Les rats, ripaille sous les capotes qui tremblaient, et l’un d’eux, vu parce
qu’ils avaient lancé en face une fusée éclairante, alors qu’il sortait de la
bouche d’un mort.
    Une nuit de train. Ritzen était à Paris. Bertaud, blessé
légèrement comme lui, et ils s’appuyaient l’un sur l’autre, disait alors qu’ils
gagnaient leur hôtel sur les boulevards, près de la place de l’Opéra, qu’ils
passaient devant le café de la Paix, uniformes repassés des officiers
d’état-major, jeunes colonels la badine et les gants posés à côté d’un verre
d’alcool, femmes qui croisaient leurs jambes, le buste orgueilleux.
    — N’est-ce pas commandant, disait le capitaine Bertaud,
ce qu’il y a de consolant, c’est qu’on est parfaitement sûr, si on sèche dans
les fils de fer…
    — Quoi Bertaud, quoi si on sèche ?
    Ritzen avait été agressif, abandonnant le bras de Bertaud
qui le soutenait, contraint de s’appuyer à l’une des tables du café de la Paix.
    — Rien commandant, une réflexion optimiste, si on
crève, ce ne sera pas pour le monde une perte bien sensible. Vous ne croyez pas
commandant ?
    Quelques jours à Paris, ces femmes qui bousculent Ritzen,
qui parlent haut, un sac en bandoulière orné d’une cocarde tricolore, la jupe
ballonnée, la cheville haut guêtrée et ces chapeaux en forme de casque, l’une
d’elles qui regarde Ritzen longuement, elle a une badine à la main, silhouette
provocante qui irrite Ritzen, et il n’a pas encore retrouvé son calme quand
Clemenceau le reçoit dans son salon, le prenant par l’épaule.
    Racontez-moi Ritzen, ces tranchées, je sais déjà, mais vous,
l’état d’esprit du soldat, j’aimerais votre avis, un policier officier, vous
êtes un spécialiste.
    Clemenceau voûté dans sa veste d’intérieur à gros parements
qui lui donne l’apparence d’un vieux dompteur, obstiné, intraitable.
    — Un jour.
    Il s’interrompt.
    — Je sens cela Ritzen, ils feront appel à moi, Poincaré…
    Il sourit.
    — Vous devriez aller aux Noctambules, vous savez ce
qu’on chante.
    Clemenceau se mit à fredonner :
     
    Quand Poincaré
traverse l’avenue
    Pour célébrer
leur bonheur
    Tous les
électeurs
    Se mettent à
crier bien haut
    Vive
Clemenceau.
     
    Il ferma les yeux.
    — Vive Clemenceau, Ritzen, quand les chansonniers commencent,
c’est un signe, le recours, je suis le recours, ils savent, et les généraux le
savent, que je peux briser tous les complots, conduire la guerre jusqu’au bout,
je l’ai dit au Sénat. Bien, Ritzen, Bien.
    Il se frotta les mains.
    — Vous avez senti l’atmosphère à Paris.
    — Paris me donne envie de vomir, monsieur le Président.
    — La fête, Ritzen, ils se vautrent là-dedans, ils
veulent la paix et ils jouissent de la guerre, mais racontez-moi ?
    — La fatigue, commence Ritzen, la lassitude, parfois la
révolte, pas encore exprimée, mais on la devine, tout dépend de l’encadrement.
Des offensives pour si peu de résultats, monsieur le Président, il y a parfois
des conventions tacites avec l’ennemi de tranchées à tranchées, on ne se tire
plus dessus, on laisse les corvées passer.
    Clemenceau se lève, s’emporte.
    — Voilà ce qu’ils obtiennent avec leur laisser-aller,
le pacifisme jusqu’au front, la gangrène, s’ils m’appellent, croyez-moi Ritzen,
d’abord vous viendrez près de moi. S’ils m’appellent nous balaierons cela,
croyez-moi, ce qui manque c’est un souffle, une détermination. Ils se sont
usés, Ritzen.
    Clemenceau se frottait les mains, il raccompagnait Ritzen
jusqu’à l’antichambre.
    — Je ne vais pas au Sénat aujourd’hui, être absent, un
bon moyen d’être présent. Poincaré, vous l’avez vu, avec sa tenue de chauffeur
de taxi ? Ridicule.
    Il prenait le bras de

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