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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’irritation ou d’indifférence « ça
va, ça va on y va ». « D’abord la rue de la République » dit
Antoine.
    Il se tenait debout dans la voiture, appuyé au siège du
cocher, lui indiquant le porche du 42 :
    — Vous attendez, dit-il, on la descend.
    Louise, depuis l’épicerie Millo, appela Antoine, traversa,
tenant son tablier à deux mains, montant derrière lui dans l’escalier, « ne
viens pas » dit-il, « c’est la grippe, tu la veux ? ».
    Elle s’immobilisa sur le palier, puis elle redescendit
lentement, le visage tourné vers le haut de l’escalier, écoutant les bruits de
voix, son père qui disait « je vais te prendre », et Antoine « laisse,
laisse, je vais la porter moi ». La toux de sa mère, longue et fluette.
    Louise attendit sous le porche, appuyée au mur. Son père
apparut le premier, la casquette avec laquelle Antoine, quand il était enfant,
souvent aimait jouer, était trop enfoncée, couvrant les yeux, il tenait une
boîte de carton entourée de ficelles ; puis Antoine, vers lequel il se
tournait, Antoine qui portait sa mère enveloppée dans la couverture de laine
blanche.
    Lisa s’accrochait au cou de son fils, secouait la tête,
disait « je peux marcher », « tu vas tomber » et Antoine
cambré, les épaules rejetées en arrière par l’effort, s’immobilisant un instant
près de Louise.
    — Ne m’embrasse pas, disait Lisa.
    Elle avait noué le foulard de soie bleue autour de sa tête,
elle ressemblait à ces paysannes vigoureuses qui venaient le samedi matin,
avant que le soleil se lève, poser devant l’épicerie les cageots de courgettes
longues, de tomates et de poivrons. « Et Lucien ? demandait Lisa. »
« Il va, maman, il va… » Louise cherchait la main de sa mère
accrochée à l’épaule d’Antoine, elle la touchait, brûlante, humide. « Il
va ? » demandait Lisa. « Tiens. » Louise s’élançait, elle
traversait la rue, entrait dans la boutique, Lucien assis par terre au milieu
du magasin, avait pris des pommes et les faisait rouler sur le sol. Elle saisit
son fils sous les aisselles, le tint à bout de bras, sortit.
    Lisa était déjà dans le fiacre, Vincente près d’elle, la
tenant par l’épaule, Louise cria, souleva Lucien. Le fiacre partait, Antoine
rejoignait Violette, s’élançait vers Louise disant : « On ne sait
pas, le docteur dit que c’est une épidémie, il faut manger des citrons. »
Il en prit un dans un cageot, mordit la peau, en tendit un à Violette.
    — Il faut écrire à Dante, dit Louise.
    Lisa dans le fiacre, la tête appuyée contre le bras de
Vincente, disait :
    — Dante, tu lui écriras, après, même si…
    Depuis qu’elle était dehors, elle ne toussait plus, elle
respirait mieux avec cependant l’envie de vomir, plus forte à chacun des cahots
des roues sur les pavés :
    — Dis-lui d’aller moins vite !
    Elle chuchotait dans l’oreille de Vincente et il retrouvait
la voix des premières nuits, dans la chambre, chez les Merani, quand ils
craignaient d’être surpris.
    — Ça fait longtemps, dit Vincente.
    Elle se tassa, se blottit, son épaule sous l’aisselle de
Vincente et il voyait le front, la peau presque jaune striée de rides, l’une
plus profonde, droite dans le milieu, comme une ligne de partage. Il cacha le
front de Lisa sous sa paume.
    — Tu es moins chaude, dit-il.
    Elle leva la tête vers lui ; la bouche était toujours
aussi belle, les dents droites et claires, mais à l’extrémité des lèvres, les
rides comme deux cicatrices.
    — On a plus jamais été ensemble, dit Lisa.
    Les yeux, peut-être à cause de la fièvre, avaient gardé leur
vivacité juvénile, la même ardeur résolue et brillante.
    — Les enfants, continua Lisa.
    Sous sa paume, Vincente senti que le front de Lisa se plissait :
    — Dante, commença-t-elle.
    — Il ne risque rien, dit Vincente, il a eu de la
chance.
    Lisa se redressa, elle serra le montant de bois de la
voiture.
    — Ne dis pas ça, touche du bois.
    Elle se signa.
    Le cocher avait pris la rue Barla, puis le pont sur le
Paillon, afin de gagner la rive droite et l’hôpital Saint-Roch. Ciel
phosphorescent au-dessus de la colline de Cimiez, profondeur bleue qui peu à
peu se diluait.
    — On en emmène tous les jours, dit le cocher, en se retournant,
on se demande comment on l’attrape pas.
    Lisa tira la couverture sur ses épaules, cachant ses mains
sous la laine.
    — Pas tout de suite Vincente,

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