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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’avait préparés Louise, boule de pain à la croûte
dure qui, une fois percée, était imbibée par le jus des tomates, l’huile d’olive
et le vinaigre. Puis, comme le bal s’ouvrait plus tard, ils s’approchaient du
champ d’aviation que délimitaient quelques touffes, un fil de fer tendu entre
des poteaux bas. L’horizon était dégagé. Où finissait le sol ? Où
commençaient les vagues ? La mer était brune, jaune, lourde des eaux
boueuses de la montagne que charriait le Var, elle était couleur de la terre
qu’elle semblait continuer. Violette, retenant sa jupe gonflée par le vent, les
lèvres entrouvertes, suivait le décollage cahotant d’un avion. Dante
s’éloignait, marchait encore vers la mer.
    Depuis qu’il était rentré de Tunisie, le paysage niçois
l’exaltait, comme si, sans qu’il le sache, il avait eu, durant ces quatre
années de guerre, la peur de ne pas revenir, et maintenant la joie était si
forte d’être là, avec eux, dans la ville de l’enfance, qu’il avait envie de passer
ses jours et ses nuits à marcher, sans rien sur la tête, à son pas, civil,
libre.
    Dante s’asseyait sur la grève, entre des blocs qu’on avait
déposés pour fixer le rivage, détourner les courants. À cet extrême ouest de la
baie, les vagues avaient perdu de leur élan et n’étaient que des oscillations
qui venaient, chargées souvent de branches mortes, de troncs lavés, s’enfouir,
ride après ride, dans le sable brun mêlé de gravier. Arbres arrachés à la
montagne et que le Var, à la saison des crues, portait jusqu’à la mer, bois
noir, gorgé d’eau, que Dante, parfois tentait de saisir, s’immobilisant tout à
coup, pensant à ces hommes aperçus après le torpillage, la tête enfouie dans
l’eau, le dos rond que la ceinture de liège maintenait à la surface, épave
qu’il fallait saisir à la gaffe. La baie se voilait pour Dante, le souvenir
était un brouillard qui recouvrait peu à peu la colline du Mont-Boron, les
touches blanches des façades dispersées dans les cyprès, le moutonnement rouge
des tuiles. Il s’allongeait, les yeux fermés, la guerre avait été si longue, si
meurtrière, et la mère était morte. Trop tard, le retour de Dante. L’injustice.
Cet officier, la badine serrée dans son poing, le cheval se cabrait devant
l’obstacle, et, à travers la haie qui bordait l’hippodrome, Dante avait vu le
coup d’éperon rageur dans le flanc du cheval qui hennissait, sautait enfin,
déséquilibrant la plus haute des barrières.
    Elles sont seules, elles sont mortes, les sœurs, les mères.
Et l’officier cavalcade au bout de l’hippodrome, dressé sur les étriers.
    Violette s’approchait de son frère. Du Bal des Pilotes, la musique venait jusqu’à eux :
    — Debout, disait Violette.
    Elle prenait la main de Dante, le forçait à se lever,
Antoine les rejoignait, et Violette se retournant, faisant de grands signes en
direction de l’avion qui paraissait décrire une autre baie dans le ciel, ils
entraient dans le dancing.
    Piano mécanique, polka, mazurka, scottish, tango, fox-trot,
deux sous pour une danse, et un danseur passait, tendant son chapeau de paille
aux jeunes gens ; chacun jetait deux sous. Musique. Bière, limonade, un
demi panaché.
    Chaque quartier avait son bal, son festin. Les villages des
collines réservaient une aire entourée d’oliviers aux danseurs. Herbe sèche,
lampions accrochés aux branches, tables de fer et bancs de bois, une estrade
pour la giorgina la mandoulina e lou viouloun. La piste était faite de
lattes mal jointes où l’on trébuchait. À quelques dizaines de mètres de là on
jouait aux boules, et, parfois, une fille s’essayait à « pointer ».
On dansait à Saint-Roman-de-Bellet, à Saint Barthélémy, à Saint-Isidore, au
milieu des champs d’œillets qui, planche après planche, descendaient vers le
creux des vallons. On se retrouvait à Saint-Sylvestre, à Saint-André, à
Saint-Maurice, on dansait au bord de la mer, à Villefranche, sur les berges du
Var, du Loup, sous les toits faits de cannisses. Dans les quartiers, place
Garibaldi, place Wilson, place Saint-François, on tendait les lampions d’une
façade à l’autre, et les vieilles accoudées aux fenêtres regardaient jusqu’à
tard tourner les couples. La Ciamada Nissarda montait sur l’estrade,
chanteurs en costume régional, bonnet rouge de pêcheurs, capeline ornée de fleurs,
et la chanson de Nice était reprise en

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