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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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contre épaule.
2
    Le dimanche, c’était le jour du bal. Polka, mazurka,
scottish, tango, fox-trot et, pour quelques-uns, la valse. Piste déserte
encore. Un couple s’élançait, lui, mince, souliers noirs vernis, chemise
blanche, et quelquefois nœud papillon ; elle, tache bleue au milieu de la
piste. D’autres s’avançaient bientôt et les robes gonflées, les femmes se
frôlant, se recouvraient, un instant. Appuyés aux cloisons de cannisses de la
guinguette des jeunes gens fumaient, casquette, chapeau de paille. Les filles
étaient assises à quatre ou cinq par table, leurs mains posées bien à plat sur
leur sac blanc ou sur leurs genoux, visages figés. Elles paraissaient ne rien voir,
ne sentir aucun de ces regards qui s’attardaient sur elles, évaluaient leur
taille, leurs formes. Parfois, elles échangeaient quelques mots brefs, l’une
d’elles osait un mouvement de tête, un rire nerveux, une rougeur aux joues,
puis de nouveau l’attente.
    Violette Revelli s’amusait au contraire à dévisager
effrontément les danseurs. Ses frères l’accompagnaient. Elle était sûre de
danser avec Barnoin, Gastaud, ou Maurice, des amis de Dante ou d’Antoine. Et si
quelqu’un, l’un de ces ouvriers agricoles des coteaux du Var, à la démarche
maladroite, la peau mate, durcie par le soleil, l’invitait, elle refusait. « J’ai
déjà promis », disait-elle, et Barnoin ou Dante s’approchaient.
    Le dimanche matin, à partir du lundi de Pâques, les Revelli
s’en allaient en bande vers les festins, les bals des environs de Nice. Barnoin
arrêtait son fiacre vers dix heures sous les fenêtres de la maison des Revelli,
rue de la République, il sifflait, deux doigts de chaque main dans la bouche. « Oh !
Barnoin », criait Antoine. Violette murmurait à Louise : « Viens,
viens, aujourd’hui je te garderai le petit… » « Je le garde, disait
Vincente, je… »
    Louise assise dans la cuisine, son fils jouant sur les
tommettes avec des pelotes de laine. Elle ne répondait même pas, les yeux fixés
sur les aiguilles à tricoter. Dante entrait, Violette faisait un signe, et ils
partaient avec des remords.
    — Tu montes ? demandait Barnoin à Violette.
    Il voulait qu’elle s’installe près de lui sur le siège du
cocher. Barnoin avait l’âge de Dante, peut-être un an de moins, vingt-sept ou
vingt-huit ans. « Un vieux », disait Violette. Il se penchait vers
elle, il lui tendait les rênes. « Tu veux la guider ? »
    Elle haussait les épaules, ou bien elle acceptait, parce
que, avec ses yeux gris, Barnoin l’apitoyait. Dès le premier jour, quand Dante
l’avait poussé dans la cuisine : « C’est un camarade… Assieds-toi »,
que Barnoin présentait son assiette à Violette avec cet air étonné qu’il avait
chaque fois qu’il la regardait, il n’avait été pour elle, bien qu’il fût de dix
ans son aîné, qu’un cadet. « Pas dégourdi, ton ami », disait-elle à
Dante. « Tu l’intimides. »
    Barnoin, à croire Dante, était un violent. Un de ces fils de
paysan qui, après quatre ans de tranchées, ne voulaient plus se battre contre
la montagne ou le climat, remonter dans les vallées, là où la terre cultivable
se retient avec les mains, où il faut construire des murets de pierres,
transformer les pentes en gradins, et, au moment de la récolte, les pommes de
terre sont petites, quand elles ne sont pas gelées. Alors, après les tranchées,
marre de cette autre guerre que doit mener le paysan. Barnoin était resté à
Nice, en proie souvent à des révoltes, parce qu’il avait vu les régiments
perdre leur sang.
    — Je suis un survivant, camarades, nous sommes des survivants.
    Un jour, au café de Turin, dans l’arrière-salle, là où se
réunissaient quelques démobilisés, il s’était levé, interrompant Borello,
l’instituteur, criant :
    — Survivants camarades, si on est là, c’est que les
autres y sont restés, alors quoi, ce qui nous reste de notre vie, vous voulez
qu’on se laisse enterrer ? On a risqué notre peau pour les autres, moi, je
le reprends, le fusil, mais pour moi.
    Des applaudissements, Borello qui tentait d’expliquer que ce
n’était pas si simple. Dante avait invité Barnoin à la maison. Mais, une fois
l’exaltation passée, Barnoin était un calme, un doux. Il disait à Violette,
pendant qu’ils roulaient lentement vers l’ouest, qu’Antoine et Dante chantaient
dans le fiacre :
    — Une famille, tu es jeune

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