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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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« Promets-moi,
papa, disait-elle, viens quand tu rentres. » Il bougonnait. Mais, le soir,
il se penchait sur le lit. Il remontait la couverture, il était attentif à ne
pas faire de bruit. Pourtant, elle se frottait les yeux, elle tendait les bras.
Puis, il n’avait plus osé pousser la porte, la petite fille était devenue…
    Le matin, dans l’harmonie des gestes répétés, Carlo
éprouvait aussi cette inquiétude, de l’amertume, plutôt, comme une soupe trop
salée, un vin piqué, et qui déçoit alors qu’on a si soif. Soixante. Il fallait
bien compter jusque-là les années. Forzanengo, à quel âge était-il… Et le père,
et Lisa déjà. Déjà. Penser à la femme de Vincente, ça donnait envie de pousser
les murs avec les mains, pour qu’ils s’écartent, ça donnait envie de cogner.
Sur qui ?
    Heureusement, on l’appelait « Patron », on disait « Monsieur ».
Sinon. Il avait vu Vincente à l’enterrement de Lisa. Le visage et le dos des
pauvres. Quelque chose dans les yeux, la peau, la façon de marcher qui ne
trompait pas. Luigi, lui, au moins…
    Honorine entrait dans la cuisine. « Ah, vous êtes là,
commençait-elle. Bien sûr, vous pouvez pas vous lever comme un chrétien, vous
avez le diable dans le corps… » Carlo écrasait son cigare. « Va,
Nourina ? » Il se rasait dans la cuisine. Une vieille habitude, alors
qu’il avait fait installer une salle de bains, mais quoi, un blaireau, un bol
pour le savon, une glace et le long rasoir effilé qu’il rangeait dans le
buffet, cela suffisait. Bientôt il était habillé. Raide à nouveau, prêt pour la
guerre.
    Un dernier sursis : Mafalda descendait la première, les
cheveux défaits, blond tirant sur le roux, recouvrant ses épaules et le dos
presque jusqu’à la taille. Elle se frottait les yeux, comme autrefois quand il
se penchait au-dessus de son lit. Ce geste, le mouvement qu’elle faisait vers
lui, les cheveux blonds venant effleurer la joue de Carlo, et cette blondeur,
la vraie couleur des femmes, pour Carlo Revelli, le bouleversait. Joie et
tristesse mêlées. Il la regardait qui s’asseyait prés de lui, qui prenait le
bol dans ses paumes, buvait par petites gorgées.
    — Mange aussi, disait-il d’une voix sourde.
    Elle répondait d’un mouvement de la tête, levant ses yeux au-dessus
du bol. Il avait envie de la porter comme autrefois, elle était si menue, il la
tenait à bout de bras, il la guidait sur la balançoire. Mais Mafalda se levait,
elle regardait l’horloge qui battait entre les deux fenêtres, elle paraissait
s’éveiller, elle criait : « Alexandre. » Son frère dévalait
l’escalier, buvait le café debout. Anna entrait à son tour, et Carlo, passant
sa veste, sortait en allumant un autre cigare. Corps de nouveau durci, ciment
gris qui fait les muscles et les os. Il mâchonnait son cigare, ouvrait la porte
du garage, puis, d’un seul coup de manivelle, nerveux, il lançait le moteur de
la voiture. Anna accompagnait les enfants jusqu’à l’entrée de la villa, elle
avait un geste pour nouer l’écharpe d’Alexandre, pour retenir Mafalda,
défroisser un pli de sa jupe, ou bien, prenant une épingle dans son chignon,
elle la plaçait dans les mèches de sa fille dont Carlo devinait l’irritation.
Mafalda montait près de lui, Alexandre à l’arrière, et Carlo roulait d’abord
lentement, pour ne pas noyer le moteur, n’accélérant qu’après le premier tournant,
au moment où la ville est là, ocre, blanche, en contrebas de la colline de
Gairaut, comme une marelle dont les damiers s’étendent entre la baie et la
montagne.
    Chaque matin, Carlo se laissait surprendre par le virage,
allant d’abord droit comme s’il avait voulu franchir le parapet, s’élancer
au-dessus de la ville, l’atteindre en un vol d’Icare. L’horizon était si
proche, surtout les jours de vent, quand le cap d’Antibes paraissait une barre
bleue tranchant la mer, à portée de main, et que la ville balayée se dessinait
à grands traits nets, le Paillon, veine maîtresse séparant la vieille ville
accroupie des nouveaux quartiers qui poussaient leurs nervures entre les
collines. Carlo tournait à quelques centimètres du mur, ne voyait plus que la
route. La journée commençait. Il laissait Mafalda au lycée de jeunes filles,
elle claquait la portière, se perdait dans un groupe, et entre Carlo et
Alexandre, silencieux à l’arrière, la gêne s’installait.
    Le père et le fils se

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