Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
le
monument aux morts d’Aspremont, l’un des premiers villages de l’arrière-pays,
au delà de Gairaut. Le cimetière dominait la vallée du Var que fermaient les
bàous, cette ligne de sommets tabulaires, façade bleu nuit quand le soleil
disparaissait derrière elle. Le maire, deux officiers, le prêtre entourent
Merani, et ces femmes, moutonnement de voiles noirs, que Merani n’osait
regarder. Le maire se penchait vers le député : « Dans la même
famille, les trois fils, les trois… Le père en est mort, la mère… »
    Merani racontait au général Lobanovsky :
    — Comment voulez-vous que le gouvernement s’engage à nouveau
dans une guerre ? disait-il. Vous avez vu les marins devant Sébastopol, en
19… Ce pouvait être le début de la contagion, à Nice même…
    Lobanovsky levait les bras :
    — Mais alors, mon cher député, vous acceptez la
décadence, car votre cordon sanitaire n’empêchera rien. Les microbes passeront
à travers si le foyer d’infection persiste. Et si vous ne voulez pas vous
battre avec nous, vous finirez comme nous, plus mal que nous, parce que nous
avons l’habitude des renaissances. Contre les Mongols…
    Elisabeth d’Aspremont prenait le thé avec les femmes sous la
véranda. Elle interrogeait Katia Lobanovsky qui rougissait. « Nous nous
installons à Vence, disait-elle. Cet après-midi, nous avons voulu rencontrer le
baron Karenberg, père… »
    Elisabeth s’exclamait :
    — Frédéric Karenberg ?
    Le silence autour d’elle puis on l’interrogeait. La
princesse Klioukanski parlait de sa vieille amie Karenberg qui la raccompagnait
dans le parc de Semitchasky :
    — Mais c’est un socialiste, un Rouge. Un garçon
charmant, d’ailleurs, disait en riant Elisabeth. Clemenceau l’a fait
emprisonner quelques mois, n’est-ce pas, Joseph ?
    Merani s’approchait avec le général, il confirmait :
    — Un idéaliste, mais trop fin pour rentrer chez les
Soviets. Peut-être la prison lui a-t-elle rendu le sens des réalités. Il n’est
pas dangereux. J’ai bien connu Héléna, sa sœur, une exaltée. On l’avait
assignée à résidence, elle était mariée au propriétaire de l’Hôtel Impérial,
Hollenstein, un Autrichien.
    — Un juif, bien sûr, dit Lobanovsky.
    Merani se mit à rire :
    — Vous êtes obsédé, général. Sur les bords de la
Méditerranée, nous sommes tous plus ou moins juifs. En tout cas, Héléna s’est
pendue. Quand à Karenberg, ce sont les idées qui l’intéressent. Un idéaliste.
Il n’est pas dangereux, croyez-moi.
    — Les plus dangereux sont les idéalistes, dit
Lobanovsky, ils deviennent des fanatiques.
5
    Le soir, Violette Revelli n’aimait pas traverser le pont.
    Après le travail, elle partait avec Denise, une vendeuse de Haute
Coulure, le magasin « chic » de l’avenue de Verdun. Appuyée aux
barrières du jardin public qu’on avait aménagé face aux boutiques luxueuses de
l’avenue, Violette attendait son amie. Une à une les devantures s’éclairaient
d’une lumière blanche qui prenait le regard. Les fiacres, les automobiles passaient
lentement. L’une d’elles, parfois, ralentissait, s’arrêtait quelques mètres
plus loin. Le conducteur ouvrait la portière, se penchait. « Je vous
emmène ? » Violette détournait la tête, traversait, entrait dans les
lumières, comme si, se levant dans les salles de cinéma, le Politeama ou le Modern où elle allait souvent, elle s’était dirigée vers l’écran,
devenant l’un des acteurs. Elle faisait quelques pas le long des vitrines,
parures, diamants et saphirs, couverts d’argent sur nappes damassées, draps de
lit au chiffre gravé, amples manteaux de velours de laine ornés de broderies
vives, souliers de cuir fauve, longs bas gris, fins, à peines visibles,
foulards de soie bleus et rouges. Elle traversait de nouveau l’avenue, marchait
au bord des pelouses où les motifs floraux, géraniums, tulipes, dessinaient des
entrelacs qui se perdaient sous les palmiers. Parfum, douceur de l’air marin
glissant à hauteur d’homme de l’embouchure du Paillon. Violette attendait, sans
impatience.
    Elle arrivait toujours la première. Une cliente, au dernier
moment, retenait Denise. Violette l’apercevait, agenouillée près d’une femme
qui tournait lentement devant un haut miroir au cadre de bois blanc. La
première vendeuse, avec des gestes autoritaires, indiquait à Denise, l’ourlet qu’il
fallait reprendre, le flou qu’on

Weitere Kostenlose Bücher