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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fut ébranlé, commencèrent
à parler de l’Allemagne qu’il fallait tenir agenouillée et dépecer comme une
bête féroce qu’on vient de terrasser. « La rive gauche du Rhin, au moins,
disait l’un d’eux, un capitaine. Il faut revenir à la Confédération germanique,
une poussière d’États et d’évêchés allemands qui ne nous emmerderont plus. »
Il se tournait vers Peggy. « Excusez-moi, Madame. »
    — Et dans dix ans, dit Karenberg, vous recommencerez la
guerre. Nous ne sommes plus au XVII e siècle.
    Puis, comme s’il regrettait de s’être laissé prendre, il
serra la main de Peggy.
    — Mais enfin, le gouvernement décidera, ou les peuples.
    Le capitaine se leva, prit sa valise. Le train franchissait
les tunnels de l’Esterel. La lumière du wagon clignotait faiblement.
    — Les peuples, dit le capitaine, je connais ce mot et
ceux qui l’emploient. Il y a les Français, Monsieur, et je ne sais pas si vous
en faites partie. Vous venez ?
    L’autre officier sortit aussi, et ils restèrent debout dans
le couloir, tournant le dos à Peggy et à Frédéric. Peggy s’appuyait à l’épaule
de son mari, cherchant à plaisanter.
    — J’aurais dû leur dire, répétait Frédéric en
accentuant encore son accent russe, que j’ai été arrêté pour défaitisme. Voilà
qui aurait achevé de les convaincre.
    À Nice, Jean les attendait sur le quai, embrassant son père
maladroitement.
    — En prison, disait Frédéric, j’ai joué aux échecs
toute la journée. J’étais avec un Polonais, un maître. Je vais te battre en
trois coups.
    Jean riait, tenait son père par le bras.
    — Ils t’ont dit que tu étais le fils d’un espion, d’un
traître, n’est-ce pas ? demanda tout à coup Karenberg.
    Le visage de Jean s’était crispé. Peggy devinait qu’il était
au bord des larmes. Elle prit son fils contre elle dans le fiacre qui remontait
le boulevard de Cimiez, vers la villa Karenberg.
    — Tu n’as pas à avoir honte, dit Karenberg en posant la
main sur le genou de son fils.
    Jean serra les poings.
    — Il n’a pas…, commença Peggy.
    Jean mit la main sur la bouche de sa mère.
    — Excuse-moi, dit Karenberg.
    Il saisit son fils par le cou.
    — Je te laisserai gagner quelques parties, au début,
dit-il.
    Ils éclatèrent de rire.
    Mais le soir, Jean couché, Karenberg s’enferma dans le
silence. Assis dans la bibliothèque, il écoutait Peggy raconter le suicide d’Héléna.
« Ta sœur, disait Peggy, ce n’est pas la guerre. Déjà, avant, tu le savais,
ce déséquilibre. » Parfois, Karenberg posait une question, Gustave Hollenstein,
le mari d’Héléna, Nathalie, leur fille ? Frédéric écoutait-il vraiment les
réponses ? Peggy parlait alors des Russes. « J’ai vu toutes les
grandes familles, disait-elle. Ils imaginent que tu es avec eux, ils demandent
l’hospitalité, rappellent le souvenir de ta mère, de ton château de Semitchasky. »
    Karenberg ne bougeait pas.
    — Ces quelques mois en prison, dit-il, je ne sais pas
si, je…
    Il gardait les yeux baissés.
    — Peggy, j’ai…
    Qu’allait-il dire ? Elle sentait qu’il avait besoin
qu’elle s’approche, que, comme autrefois, elle se penche vers lui.
    — Viens, dit-elle.
    Il hésita, puis, comme elle le tirait par le bras, il lui
entoura la taille et ils montèrent lentement l’escalier.
     
    Les jours suivants, Karenberg rapprit la liberté. Parler
dans une rue, lever la tête et voir le ciel, découvrir que son fils était plus
grand que lui et qu’il était adulte et gosse en même temps, capable de pleurer
et d’expliquer qu’il fallait que partout se créent des sections de la nouvelle
Internationale, celle de Lénine.
    — Tu parles, à dix-sept ans, comme le vieux Sauvan.
    — Ce n’est pas une question d’âge, papa.
    Papa. Le mot, tout à coup, devenait ridicule et émouvant.
Karenberg riait pour cacher son trouble. Il était heureux et inquiet de l’engagement
de son fils. Il avait toujours imaginé que la lutte politique était
impitoyable, mais depuis l’assassinat de Jaurès, et les millions de morts qui
s’étaient amoncelés, il savait que l’homme est une matière que l’on broie. Ces
blessés de l’Hôtel Impérial qu’Héléna avait soignés pendant la guerre, ces
déserteurs croisés dans la prison et qui racontaient. Et, maintenant, ces
Russes que la Révolution chassait, saccageant leurs vies, ces Milioukoff, ces
Boris dont Frédéric reconnaissait

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