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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s’interrompt.
    — Je peux partir ?
    Renaudin, Lorillot le regardent. Lorillot fait un signe de
la tête.
    — Vous savez, reprend Luigi, ce sont des Messieurs. Ce
qu’ils veulent, c’est le bien de la France. L’armée, la police, les généraux,
les maréchaux, ils sont pas contre. Alors, où est le mal ?
    — Fous le camp, dit Lorillot.
    Les jeux sont faits.
     
    Luigi attend Zézé devant le casino de la Jetée. Il s’accoude
au bastingage qui ceinture le casino le long de la passerelle, face à la mer.
Il a vendu la Costa Azzura à un type de Gênes. Les Italiens ne pourront
plus l’emmerder. Darnand, Merani, si ce soir on les a coffrés pour trafic
d’armes, pas d’inquiétude. Qui saura qu’il a parlé ? Ils en prendront pour
quelques mois. Jules Ritzen ? Papa député le calmera. Ça va continuer. Il
a joué, pas perdu. Il faudra rejouer.
    Zézé met longtemps à venir. Douleur dans le bras. Angoisse.
    Coup de klaxon. Zézé ouvre la portière de la Citroën.
    — Y avait ni Darnand ni Merani, dit-il en s’asseyant.
Ils devaient être là, non ?
    Les flics avaient arrêté trois petits cons avec leur
camionnette et leurs caisses d’armes.
    — C’était même pas la camionnette de Darnand, dit Zézé.
    Il roule vers le port.
    — Pourtant, normalement, ils auraient dû être là.
Quelqu’un, peut-être ?
    Normalement le trois doit sortir. Mais la boule s’arrête sur
le sept. Quand on ne peut pas miser sur tous les chiffres à la fois on est con.
Con, Zézé.
    La douleur éclate à la base de la nuque de Luigi Revelli
comme une détonation.

32
    D’un coup de bêche – toujours le même outil, ce « magao »
dont il n’avait même pas remplacé le manche après tant d’années, le bois ayant
durci, devenant plus lisse, les fêlures se resserrant d’elles-mêmes – Carlo
Revelli avait brisé les mottes de terre sèche. Maintenant, appuyé au magao, il
regardait l’eau glisser dans les rigoles entre les plants. Elle disparaissait
d’abord dans la terre fendillée, puis la recouvrait, nappe brillante suivant la
légère pente du jardin, et parce que la planche était large, bordée au sud
d’une vigne haute, il semblait que le tracé sinueux de l’eau devait rejoindre,
à l’horizon, la mer.
    Chaque matin, Carlo travaillait avec ses mains. Quand, à
deux ou trois reprises, il n’avait pu saisir un outil – une grippe l’avait
tenu couché près d’une semaine, puis une entorse – il avait compris ce que
c’était le vide, la mort. Etre inutile, ne plus toucher. Regarder ses mains
immobiles qui se flétrissent. Il s’était fait apporter dans la chambre une
branche, un couteau. Il avait commencé à tailler, tenant le bois serré dans sa
paume, la lame arrachant l’écorce, creusant l’encoche. Il se dégageait du lacet
qui le serrait au cou, il n’était plus gibier mais braconnier de nouveau,
faisant tourner entre ses doigts la canne qu’il achevait. Gosse, il en
polissait de semblables, assis au pied des marronniers, attendant que vienne
l’heure d’aller relever les collets.
    Chaque matin, quel que soit le temps, et malgré Anna qui
disait : « À ton âge, comme si… », il descendait au jardin. Il
taillait, il donnait un coup de magao, il cueillait quelques fruits, ou bien il
rassemblait les herbes sur la plus basse des planches et il allumait un feu
près duquel il s’asseyait. Flammes incertaines, à peine visibles sous l’épaisse
couche de végétaux humides, fumée aux volutes lourdes, aux odeurs de champs et
de forêts. Après, il remontait lentement vers la maison tranquille, comme si,
par ces quelques gestes simples du matin, il avait accompli les actes les plus
importants de la journée, ceux qui lui permettaient d’affronter le préfet ou
tel architecte, un banquier, ou d’observer sur un chantier, sans avoir à baisser
les yeux, un ouvrier qui, la masse à la main, frappait la roche dure.
    L’eau, ce bruit qu’elle faisait en glissant vers la vigne,
ou bien le bruit de source qu’imaginait Carlo en la suivant du regard, la
fumée, ce crépitement tout à coup, quand une écorce se fendait, et c’était
comme dans la futaie quand les bûcherons jettent sur le feu une branche imbibée
d’eau, la même fumée dense, le même éclatement. L’eau, la fumée qui se
rejoignaient dans la patrie lointaine du souvenir plus présente chaque jour.
    Carlo se retournait comme il atteignait la maison. L’eau, la
fumée. Il atteignait le

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