Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
ici. Les jeux sont faits.
    — Ils les ont pris avec les caisses, dit simplement
Zézé à Luigi.
    — Tu es où ?
    — Au Castèu.
    — Viens me chercher.
    Luigi repose l’appareil.
    — Ça va la chance, ce soir, monsieur Revelli ?
demande Jé en s’effaçant devant l’entrée du bureau.
    La salle de nouveau. Les joueurs habituels. Les cons de
passage, Italiens, Anglais, les indics, les physionomistes, les inspecteurs de
jeux, les deux flics de la Mondaine et la voix, Faites vos jeux.
    — Ça va, dit Luigi.
    Il a joué. Comment faire autrement ? On ne peut pas du
même coup jeter les plaques sur le trois, le neuf, le cinq, le sept. Les bons
chiffres, les chiffres aigus. Il a fallu choisir.
    — Ecoute, avait dit le commissaire Renaudin, écoute-moi
bien. Monsieur, c’est le commissaire Lorillot, il vient de Paris pour te voir.
    Gueule de flic, de petit barbeau, yeux rouges, cheveux tirés
en arrière.
    — Monsieur Revelli, commence Lorillot.
    Les flics polis, des salopes. Vicieux, Pédés.
    — Vous n’imaginez sans doute pas à quel point, à Paris,
on s’intéresse à vous. Le ministre de l’intérieur connaît votre nom, monsieur
Revelli, mais oui.
    Cette douleur à la base de la nuque.
    Depuis les premiers jours avant 14 les jeux sont faits,
quand Joseph Merani envoyait Luigi dans les bistrots, à la Bourse du travail,
pour savoir un peu ce qu’on pensait, quand Ritzen interrogeait : « On
t’aime bien, Revelli. Mais tu dois nous dire. » Chaque fois il avait fallu
remettre la mise en jeu, choisir un nouveau chiffre, et la boule encoche après
encoche, et la douleur.
    Les autres, ils n’ont même pas besoin de jouer. Ils tiennent
la banque. Le vieux Joseph Merani, crevé dans son lit, le jour de Noël 36.
Enterrement au cimetière du château, caveau de famille et statue de bronze
protégeant les caisses de chêne verni à poignées de cuivre : La grande
famille niçoise des Merani, comme disait un des orateurs, l’une de
celles qui ont contribué au rayonnement de notre ville… Ce parlementaire
distingué voulut d’abord demeurer un homme de son terroir, sachant, quoiqu’il
lui en coûtât, refuser les responsabilités ministérielles pour rester au
contact de cette ville de Nice qui lui doit tant. Si, en ces temps difficiles,
il a dû, pour des raisons de santé, renoncer à se présenter aux élections, son
fils a pris sa place. Saluant aujourd’hui la mémoire de Joseph Merani, nous
nous tournons vers Charles Merani, sûrs que nos concitoyens…
    Foule entre les tombes, détachement de chasseurs alpins qui
rend les honneurs et Carlo Revelli qui tient sa fille, Mme Charles Merani, par
le bras. Ritzen, Monsieur le député des Alpes-Maritimes maintenant, bavarde
avec le préfet et le maire, serre la main de Carlo et de Mafalda, caresse les
cheveux du petit Robert Merani. Ils raflent les plaques, ceux-là.
    — Monsieur Revelli, votre cabaret à San Remo, la
Costa Azzura, continue le commissaire Lorillot, ça marche bien, n’est-ce
pas ? Vous êtes dans de bons termes avec les autorités italiennes ?
Ce n’est pas facile. Les fascistes n’aiment guère les Français. Vous êtes
français malgré tout.
    La boule, la douleur. Luigi saisit son poignet de bois,
serre.
    — C’est comme ça, dit-il.
    Il fait jouer le déclic de son articulation.
    — Vous avez été jugé par un tribunal militaire, je crois ?
    Lorillot feuillette un dossier.
    — Il y a eu cette affaire de meurtre dans votre hôtel,
avant, il y a longtemps. Faute de preuve. Ou, plutôt, vous aviez un alibi. Je
crois que le commissaire Renaudin est compréhensif avec vos petites activités.
    Donnant donnant, toujours. Le même jeu depuis que Luigi est
dans ce pays. Je t’appâte, tu mords. Foutre le camp, ne plus jouer.
    Lorillot se lève, pose la main sur l’épaule de Luigi
Revelli.
    — Monsieur Revelli, jusqu’à présent vous avez fait une
honorable carrière, tranquille, avec, disons, des tolérances, la chance, des
protections. Mais vous êtes à un tournant. Voyez-vous, Monsieur le ministre de
l’intérieur…
    Brin après brin, Luigi a dû lâcher. Et merde, poussons la
plaque, touchons du bois.
    — Moi, monsieur le Commissaire, la politique, j’en ai
rien à foutre. Ça me nuit. Vous savez ce que les gens du Front popu écrivent
devant chez moi ? « Mort aux fascistes. » J’en ai rien à foutre
du fascisme.
    — Tu as bien vu Doriot, pourtant ?
    Tutoiement. Comme avec une fille.

Weitere Kostenlose Bücher