Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
un
alcool trop fort quand il fait chaud, que, tout à coup, on doit s’asseoir,
parce que dans les jambes, les bras, la fatigue se répand, lourde.
    — Papa ? avait-elle lancé à Antoine.
    On klaxonnait derrière elle. Antoine secouait la tête.
Violette devait avancer, se garer plus loin, et Antoine était long à la
rejoindre, tenant sa bicyclette par le guidon. Elle allumait une cigarette,
s’asseyait sur le talus, au-dessus de la voie de chemin de fer.
    — On m’a dit que tu étais là, expliquait Antoine. Ça te
dérange pas ? C’est pas loin pour venir.
    Il montrait la côte, faisait avec les deux mains le geste de
pédaler :
    — Faut en mettre.
    Elle lui offrait une cigarette. Il avançait, puis retirait
la main, se décidait à accepter, mais quand elle sortait son briquet il avait
de nouveau une hésitation, présentait enfin la cigarette à la flamme.
    — Tu fumes comme un homme, alors ? demandait-il.
    — Comme un homme.
    Un silence, puis Antoine sans la regarder disait, et elle
percevait son étonnement.
    — Tu as l’air bien. Et ton ami ?
    — Bien.
    — Tu…
    — Je ne suis toujours pas mariée.
    Violette écrasait le bout de sa cigarette.
    — C’est pour Rafaele, Rafaele Sori, mon beau-frère,
commençait Antoine.
    « Je cherche même plus à savoir ce qui va arriver après »,
avait dit Rafaele le soir, où, avec Sam, ils avaient diné chez Antoine. Depuis,
quand Philippe Roux écrivait à Violette ou bien qu’elle voyait ces paysans,
bras levés, qui descendaient entre des hommes armés une pente de terre sèche et
que l’image sur l’écran s’interrompait, que le commentateur des Actualités, de la même voix trop forte disait : À Cannes, hier, présentation de la
mode d’automne. Cette innovation marquera la saison de 1937… Les plus élégantes
personnalités parisiennes ont voulu malgré les préoccupations du moment infirmer
que la beauté… Violette entendait Rafaele Sori, elle l’imaginait.
L’Espagne, c’était son visage ou bien celui d’Arthur Becker.
    Quand Jean Karenberg leur avait dit un soir, chez Alexandre :
« Je pars pour quelques semaines, à Madrid, un congrès d’écrivains,
Malraux, les Américains, les Soviétiques », elle l’avait interrompu.
    — Vous allez voir les Brigades internationales ?
    — Cela dépend, répondait Jean, en principe mon
reportage, c’est le congrès.
    Violette se tournait vers Sam.
    — Nous connaissons deux combattants des Brigades, Arthur
Becker, un Allemand, et Rafaele Sori. Je ne sais pas trop où ils sont.
    Ridicule de croire qu’on pouvait les rencontrer dans
l’Espagne en guerre. Mais elle avait aussi interrogé Philippe Roux.
    Philippe passait deux jours à Nice. Ils déjeunaient à Villefranche,
sur les quais du port, l’eau irisée, bleutée et brillante, comme le sont
certaines plaques d’acier, ondulait, lame flexible sur laquelle glissait le
regard de Violette, jusqu’aux deux navires de guerre ancrés au milieu de la
rade. Violette évitait de se laisser prendre dans les yeux de Philippe.
    — J’ai un ami, disait-elle, dans les Brigades, Sori,
Rafaele.
    — Tu as quitté Sam Lasky ?
    Elle se tournait vers lui, commençait, violente :
    — Parce que, pour toi aussi, une femme ne peut pas
avoir un ami ?
    Le visage de Philippe exprimait la fatigue, le désarroi. Il
avait grossi et vieilli. Elle changeait de ton :
    — Je suis toujours avec Sam, reprenait-elle. Nous avons
deux amis dans les Brigades, Sori et Becker, un Allemand.
    — Les Brigades, disait Philippe, on a filmé. Ils se
battent. Souvent. Bien sûr, c’est beau.
    Philippe renonçait à détacher les arêtes de la chair
fibreuse du poisson. Violette prenait son assiette :
    — Laisse-moi faire, disait-elle.
    Mieux que de l’amitié entre eux. Elle aurait pu le laver comme
un enfant, le border, sans que plus rien du désir d’autrefois renaisse, mais
cette fraternité de leur peau, elle l’éprouvait.
    — C’est beau, continuait Philippe. Les héros, les
dingues. Raffin, qui se prend pour un chef de guerre.
    Elle poussait l’assiette vers lui.
    — L’Espagne, disait Philippe, les bras croisés appuyés
sur la table, ça pue, c’est la mort. Ils vont crever, tu sais.
    S’effondraient les façades de Guernica, s’étendait le
brasier.
    — On a vu les pilotes allemands, j’en ai vu, alors, les
héros, contre les bombes.
    — Tu es fatigué ? demandait-elle.
    Il commençait à manger, chipotant,

Weitere Kostenlose Bücher