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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de
Rafaele. Il la tient par la tête, écrasant ses cheveux sous la pression des
doigts, et Violette se souvient des doigts menus d’Yves, entrelacés, mêlés aux
longs cheveux de Nathalie, Yves qu’elle prenait contre elle, qui fermait les
yeux, cette douceur qui rayonnait de l’enfant. Ce besoin qu’il révélait en
elle. Ce vide qu’elle devait combler, remplir d’une vie à naître qu’elle
bercerait un jour, tenace malgré la guerre.
    Violette, peu à peu, ouvre ses poings et noue ses doigts sur
le dos de Rafaele qui se cambre.
     
    Paris-Spéracèdes
    1975

LA PROMENADE
DES ANGLAIS
    Pour
Jacques Vingtras
    et
Martin Eden.
    Pour
mon frère.

Première partie Les œillets rouges
1
    Je me souviens du visage de mon père, ce jour-là.
    Deux gendarmes sont entrés dans la cour. Ils ont appuyé
leurs vélos contre le mur, près du porche. Ils regardaient autour d’eux, l’un
cherchant dans sa sacoche de cuir noir, l’autre s’avançant vers moi. J’étais
assis sur les marches qui conduisaient aux cuisines de l’hôtel. Je ne bougeais
pas. Mais j’aurais voulu bondir, passer entre eux, rejoindre la rue, la
Promenade, courir sur les galets, m’enfoncer dans l’écume et ils seraient
restés les pieds dans les vagues cependant que je nageais.
    — Revelli, dit l’un des gendarmes, tu sais où il habite ?
     
    Un soir, dans l’une des rues proches du Palais des Fêtes,
alors que défilait, entre les platanes du boulevard, un cortège, les drapeaux,
les banderoles, les poings et les chants mêlés, mon père avait aperçu des
hommes casqués, la jugulaire serrant leurs mentons, les jambières de cuir
brillantes dans la lumière conique des lampadaires. Il m’avait saisi par le
poignet :
    — Tu peux courir ?
    Nous avions, de rue en rue, moi me retournant, gagné la cour
de l’ Hôtel Impérial où nous habitions un corps de bâtiment, bas, perpendiculaire
à la façade de l’hôtel.
     
    Ils nous avaient rejoints.
    Je gardais la tête baissée, je voyais les reflets du soleil
sur les jambières. Quand j’ai levé les yeux, mon père, accompagné du directeur
de l’hôtel, Gustav Hollenstein, traversait la cour.
    Il venait vers moi, les mains enfoncées dans les poches de
sa blouse maculée de graisse, des pinces et un tournevis dépassant de l’une
d’elles. Je me souviens du visage de mon père, ce jour-là. Il me semblait
recouvert d’une poussière blanchâtre, griffé de lignes creusées autour de la
bouche, sur le front. Je cherchais les yeux. Puis tout à coup, mon père a posé
la main sur mes cheveux, elle a glissé sur ma joue, saisissant mon menton :
    — Ça va, Roland ? a-t-il demandé.
    Je n’ai pas osé répondre. J’ai regardé l’un des gendarmes
qui se tenait en retrait, dans une zone d’ombre. Il passait ses doigts entre le
col de sa vareuse et son cou, indifférent, se rapprochant pourtant quand mon père
commençait à parler.
    — Vous me cherchez ? disait-il.
    — Vous êtes Revelli Dante, électricien à l ’Hôtel
Impérial. Vous habitez ici ?
    Mon père montra notre maison qui formait l’un des côtés de
la cour.
    — Je suis le directeur de l’hôtel, dit Gustav
Hollenstein, Dante Revelli est mon employé, il est indispensable au
fonctionnement de l’hôtel, on nous a réquisitionnés.
    — C’est sûrement rien, dit mon père.
    Il gardait sa main contre ma joue.
    — Il faut quand même qu’on vous emmène, dit le gendarme
à mi-voix.
    Mon père me caressait le visage. Il murmurait :
    — Tu rentres, Roland. Tu expliques à maman.
    Je me suis levé, j’ai marché à reculons, entendant
Hollenstein qui s’exclamait : « Mais enfin, c’est un scandale, je me
porte garant de Dante Revelli, la Côte est pleine d’espions nazis, fascistes,
et vous l’arrêtez. »
    Le gendarme écartait les mains en signe d’impuissance.
    J’ai frappé avec le poing à notre porte. Ils n’avaient pas
bougé, là-bas, sur les marches, dans le soleil. Aux fenêtres de l’hôtel, des garçons
d’étage, des lingères étaient accoudés. L’un d’eux, penché en avant, se mit à
crier :
    — Oh ! Revelli, qu’est-ce que tu as fait ?
    Mon père leva le bras.
    — Je suis un ami de Hitler, il paraît.
    Les gendarmes se rapprochèrent de lui. Je frappais encore et
quand ma mère ouvrit je tombai contre elle, m’accrochant à sa taille, lui
tenant les mains. Je ne voulais pas qu’elle parle, mais déjà elle disait :
    — Je le savais, je le

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