Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
mari, n’est-ce pas ? Il a…, il y a longtemps
bien sûr, mais la police conserve tout, alors on le croit encore communiste,
même si ça remonte à 1920. Ils en ont arrêtés beaucoup d’autres. Barel, le
député.
    Hollenstein secouait son porte-cigarettes sur le bord de la
fenêtre.
    — Je ne pense pas qu’on l’inculpera, mais il faut
comprendre le gouvernement, n’est-ce pas ? continuait-il. Nous sommes en
guerre contre Hitler, et Staline est l’allié de Hitler. Vous me direz, les communistes
ce n’est pas Staline, je veux bien, mais alors qu’ils le désavouent, ce n’est
pas difficile. Pourquoi cette obstination ? Elle est stupide à tous les
points de vue.
    J’étais assis dans un coin de la salle à manger. Je faisais
glisser sur les tommettes, vers des rades imaginaires, les navires de guerre
que mon père avait construits, silhouettes de bois où j’embarquais avec lui
pour de longues veilles, de Brindisi à Malte, une révolte devant Sébastopol, ou
bien un coup de mer qui balayait la proue.
    Mon oncle Antoine nous rendait visite. Il frappait à la
fenêtre, je me précipitais. Il sentait le plâtre séché, ses mains étaient
couvertes d’écailles blanches, il me soulevait. Ma mère ne l’embrassait pas.
    — Votre frère, commençait-elle, avec sa politique,
voilà le résultat.
    — Dante, disait Antoine, Dante, il n’a jamais fait que
parler, on va le relâcher, ne vous inquiétez pas.
    Je partais avec lui. Il m’installait sur le cadre de sa
bicyclette, je posais les mains sur le guidon alors qu’il pédalait lentement,
les jambes écartées.
     
    La Promenade des Anglais était une couronne sombre qui
enfermait la mer. Lampadaires morts, vitres aveugles, je n’avais jamais vu de
nuit aussi dense. Quelques cyclistes qu’on devinait au grincement du pédalier,
des agents qui, à Magnan, avaient établi un barrage, éclats de lampes de poche,
coups de sifflet, cris que l’obscurité amplifiait :
    « Lumière là-haut ! » La voix rebondissait
sur les façades, blocs de rochers hauts et noirs.
    Nous nous engagions dans le boulevard de la Madeleine. Une
porte ou une fenêtre s’ouvrait, enfonçant un coin jaune dans la nuit. Je
reconnaissais les platanes, le pont sur l’étroit canal, la maison de mon oncle
Antoine et cette brise fraîche qui sentait la terre et les fleurs.
    J’aimais ce quartier désordonné, ces arbres et ces herbes
qui formaient des presqu’îles de liberté entre les murs.
    J’étais un enfant des quartiers du centre, des rues tracées
par la raison, de la mer et des jardins limités par les arceaux des barrières,
le ciment quadrillé des trottoirs et le bitume lisse des chaussées. Ici,
commençaient des chemins jaunes qui serpentaient à flanc de collines et je m’y
engageais avec Edmond, le fils d’Antoine, mon aîné de deux ans.
    C’est moi qui conduisais les jeux. Je franchissais le
premier les ravins boueux, je marchais courbé vers les pinèdes ou les
plantations d’œillets, je grimpais dans un figuier sauvage, écrasant les fruits
à la peau tendue et verte qui éclataient sous mes doigts en une pulpe rouge et
granuleuse. Je courais, je levais la main comme un chef de tribu qui arrête les
siens sur le sentier de la guerre, et jambes croisées, je méditais sous une
couverture tendue entre deux chaises.
    Je pouvais, chez mon oncle Antoine, courir et rêver. Ma
tante Giovanna nous appelait depuis la fenêtre. Chez moi, dans la cour de l’Hôtel
Impérial, quand j’ouvrais la fenêtre, ma mère surgissait :
    — On voit tout, disait-elle.
    Elle fermait. Elle tirait les rideaux.
    Il n’y avait pas de rideaux chez Giovanna. Les voix voisines
se mêlaient aux nôtres dans la cuisine.
    — Qu’est-ce que vous faites de bon aujourd’hui, madame
Revelli ? Vous n’avez pas une gousse d’ail ? Je vous la rends.
    Ma tante montrait le plat de pâtes, puis me servait. Je
mangeais vite pour pouvoir parler, raconter moi aussi. Je disais :
    — Mon père, quand il était marin, un soir de Noël,
pendant la guerre, son bateau est venu dans la rade de Villefranche, alors mon
père a volé le youyou.
    Je me tournais vers Edmond :
    — Tu sais ce que c’est un youyou ?
     
    J’avais la tête pleine de récits.
    Quand j’étais seul avec mon père devant l’établi dans son
atelier, je l’interrogeais. Je prenais une vis couverte de rouille, je disais :
    — Avec ça, qu’est-ce que tu fais, papa ?
    Il la faisait tourner entre

Weitere Kostenlose Bücher