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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Il
était mal à l’aise, joyeux et mécontent. Il avait envie de les prendre,
Vincente et Lisa, tous les deux contre lui, de les embrasser, de dire des mots
simples, d’avouer : « Vous avez bien fait, je suis heureux. »
Mais il ne réussissait pas à se laisser aller et quand Vincente l’avait
plusieurs fois regardé, il avait détourné les yeux, et il était resté figé en
face de Lisa alors qu’elle attendait qu’il l’embrasse. Ç’avait été Madame
Oberti qui les avait poussés l’un contre l’autre, bougonnant : « Vous
êtes frère et sœur, maintenant. »
    — Tu choisiras le prénom, disait Madame Oberti.
    Lisa était assise en face de Carlo. Sous la table, elle prit
la main de Vincente et la serra de toutes ses forces.
    — Tais-toi, dit Madame Oberti, tu blasphèmes.
    — Pour être terrassier ou domestique, crever un peu
plus tôt, un peu plus tard.
    Il ne voulait pas dire ces mots. Mais ils montaient en lui
comme l’écume à la bouche des chevaux.
    — Tout le monde crève, dit le cocher, tous, le docteur
Merani, il crèvera un jour comme toi, et le roi d’Italie lui aussi.
    — Mais qu’est-ce que vous dites, cria Madame Oberti,
vous n’avez pas honte, un jour comme aujourd’hui, tu n’as pas honte, Revelli ?
    Elle ouvrait la main devant le visage de Carlo comme si elle
allait le gifler.
    — Voilà ce que c’est, continuait-elle, ces hommes qui
ne boivent jamais, un verre et ils ne savent plus ce qu’ils disent, tais-toi,
va te coucher.
    Elle s’était levée, attrapant Carlo par sa veste et il se
laissait secouer, inerte.
    — Il a raison, dit Lisa.
    Elle parlait de sa voix grave, le front partagé par sa ride
profonde.
    — Il a raison, si j’étais sûre que rien ne changera
jamais, qu’il sera comme nous, un domestique, alors je le tuerai de mes mains,
avant même qu’il ouvre les yeux.
    Elle avait lâché la main de Vincente, elle nouait ses doigts
devant sa bouche, comme dans une prière ou dans un effort pour broyer.
    — Je le tuerai Carlo, répéta-t-elle.
    Elle ne criait pas, elle parlait calmement. Et tous, autour
de la table, la regardaient, fixaient ses mains aux doigts rouges, ses mains
courtaudes de paysanne, qui connaissaient chaque jour l’eau froide et la soude,
les chiffons et la paille de fer.
    — Mais ce sera autrement Carlo, ça doit être autrement.
C’est pour ça qu’il doit naître.
    Puis seulement, pendant les minutes, le léger bruissement de
la brise dans les arbres du jardin. Jouanet se leva, il grimaça, esquissa un
pas de danse.
    — Vous me faites pleurer, dit-il d’une voix éraillée et
contrefaite, faire des enfants…
    Il siffla, fit un geste du bras :
    — Faire des enfants, faut pouvoir et est-ce qu’il peut ?
T’as pas essayé ? dit-il tourné vers Lisa, moi je peux.
    On se mit à rire, on cria, Rina arrivait avec deux plats de
beignets qu’elle posait au milieu de la table et vers lequel chacun tendit la
main, poussant des cris parce que les beignets couverts d’huile étaient
brûlants, et qu’il fallait pour les tenir, les faire passer d’une main dans
l’autre.
    Thérèse et son mari partirent les premiers avec Luigi. Quand
le soleil eut quitté la cour, Lisa prit la main de Vincente. « On s’en va »,
dit-il.
    — J’espère bien que vous partez, dit Madame Oberti.
Viens, Vincente, viens.
    Elle poussait Vincente devant elle, se tournant vers Lisa :
    — Toi, reste ici, dit-elle.
    Elle longea le couloir, ouvrit une porte, c’était sa
chambre, les volets à demi fermés, un lit large, couvert d’un édredon bleu, un
chat dormait au milieu des coussins, il ne bougea pas.
    — Il vient ici l’après-midi, dit Madame Oberti, je
laisse la fenêtre entrebâillée ; la nuit, il rôde.
    Elle sortit du tiroir d’une console, une boîte qu’ouvrait
une petite clé. Vincente vit quelques bijoux, un collier de perles.
    — Tiens !
    Elle tendait à Vincente deux pièces d’or. Il secoua la tête.
Il refusait. Elle prit sa main de force, l’ouvrit, lui glissa les pièces,
replia ses doigts.
    — Écoute-moi, il faut savoir accepter. Tu ne demandes
rien, je te donne. Parce que c’est ma joie.
    Elle refermait la boîte, poussait le tiroir de la console.
Elle prenait Vincente pas l’épaule.
    — Tu sais ce que tu vas faire de cet argent ?
    Vincente serrait les pièces dans ses doigts.
    — Je sais, dit-il.
    — Tu es sûr ? Tu as compris ?
    Il l’embrassa. Elle sentait, comme sa mère,

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