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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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jamais portée, tu le sais », avait-elle dit, « mais je
te la donne, je veux que tu sois belle ce jour-là, oh, ce n’est pas pour lui,
tu seras toujours belle pour lui, mais pour toi, c’est un jour dont on se
souvient ». Elle avait embrassé Lisa. « Appelle-le, dis-lui de venir
me voir. »
    Vincente attendait dans la cuisine. Lisa était entrée, la
mantille à la main : « Elle veut te voir », avait-elle dit. Elle
avait serré le bras de Vincente : « Écoute-la, ne dis rien. »
    Madame Merani, assise dans le grand salon, près de la
cheminée de marbre, jouait avec le lourd crucifix d’or qu’elle portait
toujours, tache lumineuse sur les vêtements noirs. Il faisait encore humide
dans cette pièce immense, au sol de tommettes rouges, au plafond haut de
plusieurs mètres.
    — Et si tu allumais le feu ? avait dit Madame
Merani.
    Vincente sortit, revint avec du bois, se mit à genoux, le
feu prit du premier coup, faisant craquer l’écorce des bûches.
    — Assieds-toi, mais si, assieds-toi.
    Vincente prit place en face d’elle. Le pique-feu à la main,
elle retournait les bûches.
    — Je veux que tu rendes Lisa heureuse, tu entends
Vincente. Elle le mérite. Tu as de la chance, tu es chez nous, tu travailles,
c’est vrai, tu n’es pas fainéant, mais tu as mauvais caractère, et ça il faudra
que tu changes, sinon…
    Elle repoussa son fauteuil, loin de la cheminée.
    — Il fait trop chaud maintenant, ouvre un peu la
fenêtre.
    Il revint, resta debout. Il préférait être debout.
    — Je sais ce que je dis, ne me regarde pas comme ça, tu
ne m’impressionnes pas, et puis, il n’y a pas que toi, il y a ton frère, l’anarchiste,
celui qu’on a mis en prison, ça t’étonne que je sache ?
    Elle était heureuse de le surprendre.
    — J’ai demandé au docteur de faire un petite enquête
pour savoir qui vous étiez, vous autres les Revelli, je ne veux pas que Lisa
soit malheureuse, à cause de toi. Et si vous avez des enfants, c’est à eux que
je pense et tu devrais y penser, déjà, dire à ton frère que s’il continue, on
l’expulsera et peut-être toi avec, mais Lisa, je la garderai et elle restera,
tu pourras toujours partir en Amérique si tu veux.
    Elle se leva, déplaça un vase, modifia l’ordre d’un bouquet.
    — Tu ne réponds pas ?
    Vide, comme une noix trop sèche. De celles qu’on écrase d’un
seul coup entre les paumes. Elles sont sans chair, à peine une membrane
noirâtre, mortes, on les jette. Voilà ce qu’il était devenu pendant qu’elle
parlait. Sa gorge, sa langue, ses lèvres, ses joues avaient séché, s’étaient
collées.
    — Tu as compris, j’espère ?
    Elle lui avait donné un vieux costume du docteur. « Lisa
te l’arrangera, ce sera très bien, vous allez vous marier à Gairaut, à la
chapelle…
    — Non.
    Il l’avait interrompue. Répété.
    — Non madame.
    Elle avait eu deux ou trois mouvements vifs de la tête, les
lèvres pincées, puis méprisantes entrouvrant à peine la bouche, elle avait dit :
    — Marie-toi où tu veux, après tout, c’est votre
affaire, il faudra bien que vous reveniez coucher ici le soir, où iriez-vous ?
    Ils s’étaient mariés à l’église du port. Les platanes de la
place Cassini avaient des feuilles d’un vert pâle que soulevait la brise de
mer. Derrière Vincente et Lisa, agenouillés devant l’autel, se tenaient Thérèse
et son mari le cocher, Luigi, Madame Oberti et Jouanet. Grinda travaillait, et
Rina, la fille de Madame Oberti était restée à la pension pour préparer le
repas de noces. Carlo et Sauvan attendaient sur le parvis de l’église, appuyés
aux colonnes blanches. On sortit à nouveau la table dans la cour de la pension.
On s’embrassa. Luigi chanta, puis on but trois bouteilles d’asti que Grinda
avait offertes.
    — Au premier garçon, dit Madame Oberti.
    Elle levait son verre.
    — Ce sera un Français, celui-là, le premier Français
des Revelli, continuait-elle.
    Sauvan se mit debout, les deux mains appuyées à la table.
    — Tu pourrais boire aujourd’hui, dit Madame Oberti, un
verre au moins.
    Sauvan secoua la tête.
    — S’il doit naître, dit-il, ce nouveau Revelli, qu’il
soit un homme libre.
    Sauvan hésita, parut chercher de nouveaux mots, puis se
rassit.
    — C’est tout ce que tu dis ? et toi l’oncle ?
    Madame Oberti tendit le doigt vers Carlo.
    — Tu seras l’oncle.
    Carlo but en secouant la tête. Il n’avait rien à dire.

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