Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
tu lui fais des enfants, pas tout de
suite j’espère, enfin, ça vous regarde. »
    Il attelait, il sortait de la cour, montant seul à la maison
de Gairaut, et dès qu’il s’éloignait de la rue Saint-François-de-Paule, dès que
le cheval prenait le trot après la place Beatrix, Vincente, les doigts serrés
sur les rênes découvrait la saveur forte de la vie. Le bruit des sabots, le
mouvement de la tête du cheval qui semblait vouloir se dégager, l’air de la
course et ces paysans dans les jardins maraîchers de la comtesse d’Aspremont,
tout cela lui donnait du plaisir. La vie à ces moments-là était semblable au
corps de Lisa, à son ventre creusé entre les hanches, ce lieu de peau au grain
rose, jamais souillée et qui n’était qu’à lui. Jamais personne, avant, après.
    Il entrait au trot dans la cour de la maison de campagne,
les roues traçant dans le gravier des ornières franches, il criait en tirant
sèchement les rênes, il appelait Cauvin. Puis sautant à terre, il flattait le
cheval à l’encolure, le prenant par la bride, le conduisant vers les hangars où
Cauvin finissait de remplir les caissettes de haricots, de tomates,
d’aubergines ou de fruits. Il l’aidait et souvent Cauvin entraînait Vincente à
la cuisine. Un pain rond, à la mie encore fraîche, fendu en deux comme une
pêche qu’on ouvre, de l’huile cuivrée avec des reflets verts qui trouvait son
chemin dans les boursouflures et les creux de la pâte, une tomate rouge coupée
sur cette mie, « tu veux de l’ail ? ». La gousse frottée sur la
croûte laissant des traces blanches. Vincente s’asseyait près de Cauvin sur le
seuil de la cuisine, le chien guettant un morceau du « pan bagnat ».
    — Elle t’a changé Lisa, disait Cauvin, quand tu es
arrivé ; qu’est-ce que tu étais ?
    Ils retournaient vers le hangar, chargeaient les cageots.
    — Un homme, continuait Cauvin, c’est une femme qui le fait,
elle t’a fait.
    Il fallait rentrer. Le cheval descendait difficilement,
glissant souvent sur le chemin en pente raide. Vincente le soleil dans les
yeux, ne voyait plus rien que l’échine lourde de la bête s’arc-boutant sur les
jambes de derrière. La plaine du Ray était humide, déjà sombre souvent alors
que le soleil coiffait encore la colline de Gairaut. Puis c’était la ville, les
ruades du cheval quand un attelage passait rapide ou que des enfants hurlaient
place Beatrix, se battant à coups de pierre dans les chantiers. La place
Masséna, la rue Saint-François, la cour, l’écurie, et les voix : « Tu
en as mis un temps, j’attendais ces légumes, Thérèse, Lisa. » La vie
gluante, poisseuse, la journée qui s’allongeait ; la nuit attendue était
l’une de ces lucioles qu’on croit toujours prendre, qui se dérobent et Vincente
avait couru après elles dans la campagne.
    Enfin Lisa entrait dans la chambre. Il voulait déjà, mais
elle avait un geste pour lui recommander le silence. Entravée la nuit. Qui passait
dans le couloir ? Qui ouvrait une porte ? Qui allait arrêter, peut-être
guetter pour surprendre ? Quand donc s’élèverait la voix « Lisa, Lisa »,
qui réclamerait qu’on fasse vite une tisane : « Bien chaude, pour le
docteur. »
    Braconniers, Lisa et Vincente, essayaient de voler les
heures profondes, le creux de la nuit, quand ils seraient enfin seuls, qu’ils
pourraient allumer la lampe, découvrir sur l’autre visage la crispation du
plaisir. Mais il leur fallait retenir le cri, celui qu’ils avaient librement
laissé jaillir, la première nuit, dans l’hôtel qui faisait face à la baie, près
de l’embouchure du Paillon, cet hôtel des Anges, vers lequel souvent leurs
pensées revenaient. Vincente retrouvait l’odeur de noisette âcre, cette
peinture fraîche qui couvrait les murs de l’étage où le concierge les avait
laissés : « C’est tout ce que j’ai » avait-il dit. Des ouvriers
transformaient les chambres pour la saison prochaine. Peut-être voulait-on les
décourager, les isoler des autres clients auxquels ils ne ressemblaient pas. Lisa
se souvenait de ce lit blanc, de cette armoire de noyer sur lequel elle avait
posé sa main à plat et dont le bois était si doux. Ils avaient ouvert la
fenêtre sur la baie, pour chasser cette odeur entêtante, poussé le lit contre
elle. Qui pouvait les entendre à cet étage désert, navire dérivant vers la mer
si proche qu’ils ne voyaient qu’elle de leur lit ?
    « Angelo »,

Weitere Kostenlose Bücher