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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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autre.
    Il n’était pas encore minuit quand il arriva place Cassini,
devant l’église du port. Il aimait cette place. L’église au centre, et de part
et d’autre les deux longs immeubles soutenus par des portiques de pierre
blanche, massifs, comme ces avant-bras fermés, dressés sur la table de la
cuisine, quand les bûcherons se faisaient face, qu’ils se défiaient, savoir qui
allait réussir à faire plier l’autre. Et Vincente, les yeux juste à la hauteur
du plateau de la table, regardait ces mains qui s’empoignaient, colonnes que
secouait un tremblement de terre. Un jour Carlo avec un grand cri avait baissé
le bras du père. Et celui-ci, frottant sa main, avait dit : « Tu es
fort. »
    Vincente voulait voir Carlo ce soir. Mais les souvenirs se
dérobaient, il prenait une rue, s’avançait sous un porche, sûr qu’il s’agissait
de la pension de Madame Oberti et il se trompait, contraint de marcher encore,
alors que la fatigue le rendait anxieux, qu’il essayait vainement de
reconstituer ce dimanche après-midi, quand il était venu, avec Luigi, retrouver
Carlo. « Ils sont beaux tes frères », avait dit Madame Oberti, et
elle les avait laissés tous les trois, dans la grande salle. Cette scène était
au bout de sa mémoire, et pourtant Vincente ne réussissait pas à combler ce
vide, il était devant l’église du port avec Luigi, et il prenait une rue,
laquelle ? Laquelle ? Un quartier neuf, fait de maisons semblables,
que séparaient encore des cultures maraîchères, s’étendait de l’église, jusqu’à
Riquier et à la voie de chemin de fer. À deux reprises Vincente s’immobilisa :
il était parvenu, sans même s’en apercevoir, dans la campagne, au milieu des
bambous alignés, des arbres bas, orangers ou citronniers. C’est par là qu’ils
étaient, Carlo et lui, entrés dans Nice. Il lui suffisait de marcher encore
droit devant lui, sur ce chemin, pour reprendre la route qui conduisait à
Mondovi. Il refit le trajet en sens inverse, en direction du port, se trompa
une nouvelle fois, se retrouva dans la campagne, comme si une mémoire profonde,
une volonté secrète, l’instinct l’incitait à repartir, à quitter cette ville.
Il s’assit contre une palissade, les jambes recroquevillées, dans l’attitude
qu’il prenait quand il se pelotonnait dans la cuisine, près de la chaise de sa
mère ; elle écossait des haricots ou des fèves, elle racontait l’histoire
de ce chat qu’ils avaient perdu quand ils avaient quitté le village pour
Mondovi (« Tu n’étais pas encore né, disait-elle, il n’y avait que Carlo,
c’était facile »), et le chat, Dieu sait comment, avait trouvé sa route,
franchissant les forêts et les torrents, et il était un jour, entré dans la
cuisine, retrouvant sa place, près du fourneau : « L’instinct, ils
sentent. »
    Vincente aussi retrouvait le chemin du retour. Il se leva.
Mais il n’y avait plus de pays au delà des montagnes. Une crevasse terminait la
route à la sortie de la ville. Plus tard, avant de mourir, il irait avec ses
enfants, pour leur faire entendre, au bord de la rivière, tout près du pont, le
battement de la manufacture, et la cloche de Mondovi-la-Haute. Plus tard, quand
la vie serait tracée.
    Il n’avait plus rien à dire à Carlo et c’est alors qu’il
reconnut la rue, qu’il fut devant le jardin qui séparait la maison de Madame
Oberti de la chaussée, hésita, entra. Personne ne parlait dans la maison. Il
avait donc imaginé. Une pièce au fond était éclairée, il en poussa la porte
entrebâillée. C’était la grande salle, la table, un journal ouvert et la lampe
de cuivre dont la flamme courte grésillait. Madame Oberti était assise dans
l’ombre, peut-être à demi endormie.
    — Tiens un Revelli, dit-elle.
    Elle se leva, les mains sur ses reins.
    — Tu cherches ton frère ?
    Madame Oberti s’appuya sur la table, prit le journal, le
poussa vers Vincente.
    — Tu sais lire ? Vous êtes tous savants les
Revelli. Alors, lis bien, parce que eux aussi ils savent lire.
    Lettres noires sur lesquelles la lampe a laissé un cercle
gras, le journal est froissé. Vincente lentement déchiffre le titre, et la première
phrase : « Il faut ouvrir le bal social. » Il pose le journal.
    — Tu as raison Revelli, tu en as lu assez.
    Elle se penche avec difficulté, lourde, elle sort une
bouteille de vin, deux verres.
    — Assieds-toi, tu bois ?
    Elle lui sert un verre de vin rouge,

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